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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/726

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tous ces efforts, les uns directs et violens, les autres indirects, subtils et un peu louches, convergent vers la destruction de la liberté de l’enseignement. Les uns veulent seulement la restreindre, la limiter, la gêner ; les autres, la supprimer. Il n’est pas jusqu’au général André qui n’ait révélé l’autre jour ex abrupto à la Chambre un projet de loi qui consiste à refuser des bourses dans les écoles militaires aux élèves des congréganistes : admirable conception, qui rend des mineurs responsables de l’instruction que leur famille leur a fait donner, mais seulement ceux qui sont pauvres, car les riches pourront toujours se passer de bourses et entrer dans les écoles militaires comme auparavant ! Toutes ces tendances, tous ces projets, toutes ces tentatives donnent un sens à la phrase dans laquelle M le président du Conseil a dit, à Saint-Étienne, qu’il ne se contenterait pas de vaines apparences : mais il est à craindre que ce qu’il prend pour des réalités ne soit encore une apparence parfaitement vaine aux yeux de ses amis. Ils demanderont, ils exigeront toujours davantage. Sa destinée semble être de servir de pont au socialisme et au jacobinisme. Il a combattu autrefois le premier, et, s’il a eu à toutes les époques quelques complaisances, il a eu aussi des sévérités pour le second. Aujourd’hui, à peine avait-il quitté M. Millerand dans la Loire, que celui-ci a levé très haut le drapeau du socialisme, auquel il a déclaré qu’il était fidèle dans le gouvernement, comme il le serait après en être sorti. A propos de l’application de la loi sur les associations, on vient de voir les déclarations si formelles que M. Waldeck-Rousseau avait faites à la Chambre ; mais, M. Leygues ayant rétabli à l’encontre la doctrine jacobine, c’est M. Leygues qui a eu raison devant le Conseil d’État. Derrière l’un et derrière l’autre, il y a la poussée chaque jour plus violente du parti socialiste révolutionnaire. Entre la force de résistance du gouvernement et la force d’impulsion de ses amis, il est facile de prévoir quelle sera la plus énergique et la plus persévérante : et c’est là ce qui avive nos inquiétudes, à la veille de ce déchaînement, de cette débauche, de cette surenchère de promesses, que sont toujours chez nous les élections générales.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.