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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/789

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Chérif ; l’on n’y trouve que des Juifs, si méprisés et si accoutumés, par une longue soumission, à l’infériorité de leur état, qu’ils ne constituent point, dans le monde marocain, un élément hétérogène. Les étrangers ne sont tolérés qu’à grand’peine à Tanger ; et encore est-ce « Tanger la chienne, » honnie des vrais croyans, pour avoir subi la souillure du contact des infidèles.

Le mouvement religieux, au siècle dernier, s’est traduit ici par quelques édits de Mouley-el-Hassan et par l’éclosion de sectes nouvelles ; les uns comme les autres tendaient à rendre plus rigides les prescriptions rituelles, les abstinences plus rigoureuses, les pratiques plus étroites. Les coutumes qui règlent le mariage et la condition des femmes, qui se sont modifiées si profondément en Turquie et en Égypte, n’ont subi au Maghreb aucune altéra-lion : garder les habitudes et les traditions d’autrefois, éviter toute compromission avec les civilisations chrétiennes modernes, telle a été la tendance constante, sinon toujours des sultans, du moins des populations et des confréries marocaines. Et, si l’on invoquait au Maghreb l’exemple de Constantinople et de son Padischah, l’on entendrait la réponse : le sultan de Stamboul n’est pas chérif ; il n’est pas, comme les descendans authentiques d’Ali et de Fatime qui règnent au Maroc, le petit-fils du Prophète ; c’est au cimeterre de ses ancêtres, non à leur noble origine et à leur piété, qu’il doit son pouvoir ; c’est donc aux Chérifs de Fez et de Marrakech qu’il appartient de conserver, dans leur intégrité et leur pureté, les mœurs et les rites musulmans et d’observer à la lettre la loi du Coran.

Le sultan, descendant de Mahomet, possède l’autorité canonique ; mais l’influence mystique appartient surtout aux chefs des confréries et aux saints locaux. Cette puissance des ordres religieux atteste la vitalité de l’Islam marocain ; la plupart des grandes confréries qui recrutent leurs adeptes jusqu’au Touât, jusqu’au Sénégal et au Soudan, ont, au Maroc, leur centre dans quelque zaouia où affluent les aumônes et d’où partent des mots d’ordre aveuglément obéis jusqu’aux extrémités du Sahara. Le Maghreb est un foyer d’où la foi musulmane rayonne au loin. Ce sont les Tidjaniya et les Kadriya qui ont, au XIXe siècle, conquis au Croissant tant de peuplades africaines. La fameuse confrérie de Mouley-Taïeb étend ses ramifications jusque dans nos départemens algériens, et ses chefs, les chérifs d’Ouazzan, sont