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regardé avec défiance par les anciens serviteurs de son père, à cause de son penchant pour des récréations peu conformes aux habitudes marocaines, comme la bicyclette, le cinématographe, l’automobile, les feux d’artifices, Mouley-Abd-el-Aziz marqua d’abord sa prédilection pour un Berbère, venu jadis comme otage à la cour et devenu l’homme de confiance de Ba-Hamed, El-Menebhi, et pour un aventurier anglais nommé Mac-Lean, qui est devenu l’organisateur des plaisirs du jeune sultan. Ce sont ces deux personnages qui ont été chargés, en juillet 1901, d’une ambassade à Londres et à Hambourg ; mais, soit qu’El-Menebhi se soit mal acquitté de sa mission, soit que ses adversaires aient profité de son absence pour ruiner son crédit, son retour fut suivi d’une demi-disgrâce. Les conseillers expérimentés de Mouley-el-Hassan, le grand vizir Si-Feddoul-Gharnitet Si-Abd-el-Krim-ben-Sliman, le beau vieillard que Paris et Saint-Pétersbourg ont vu l’été dernier à la tête de l’ambassade marocaine, parurent un moment avoir repris une autorité prépondérante ; ils ont conduit les négociations et aplani les difficultés avec la France et avec l’Espagne. Mais les plus récentes nouvelles permettent de croire que l’ancien favori, appuyé par le « caïd » Mac-Lean, et fort de la venue d’une ambassade solennelle de la Grande-Bretagne, a reconquis toute la faveur du maître ; c’est lui qui semble diriger le voyage à Rbât et à Fez, la ville sainte, où le sultan n’a pas encore paru, et dont l’accueil est comme la consécration d’une autorité bien affermie.

Ainsi, malgré tous les obstacles, le gouvernement du Maghreb va se fortifiant peu à peu et s’organisant lentement. Les troupes chérifiennes, mieux armées de fusils imprudemment vendus par le commerce européen, sont plus redoutables aux populations berbères ; c’est ainsi qu’à l’extrême sud de l’empire, le caïd El-Guellouli, qui vient de mourir, commandait des troupes qui tiennent sous leur surveillance toute la région du Sous ; c’est ainsi encore que, depuis plus d’une année, une mahalla d’un millier de soldats réguliers circule, sans rencontrer de résistance, à travers le Rif, terrorisant les tribus et levant des impôts.

Mais il faut se garder d’exagérer les conséquences de ces succès et la portée de ces réformes ; elles peuvent modifier quelque peu la physionomie extérieure du Maghreb-el-Aksa, elles n’altèrent pas sa constitution organique. C’est de l’état social et de l’état religieux des peuples que découle leur organisation politique, et,