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crainte des exactions du caïd, n’ignorent pas que, sous l’autorité des roumis, le commerce est libre, les routes sûres, les propriétés garanties, les impôts réguliers. Il serait très exagéré de dire que la France est aimée au Maroc, même en n’appelant de ce nom que le bled-el-maghzen, mais il est certain que nous sommes les chrétiens les moins détestés et les moins redoutés. L’année dernière, au moment du combat de Timimoun, le bruit se répandit à Marrakech que les années françaises allaient apparaître sur les crêtes de l’Atlas ; l’on attendait leur venue avec plus de curiosité que de crainte, et quelques personnages du Maghzen s’informèrent discrètement de nos intentions : savait-on, en France, qu’ils étaient de bons serviteurs de l’Etat et seraient-ils maintenus à leurs postes ?

Ainsi, malgré les erreurs passées, notre situation au Maroc était, l’été dernier, assez bonne et notre influence en progrès. Le règlement définitif des affaires du Sud, les mesures prises pour empêcher que de nouvelles difficultés de frontières ne surgissent ou, tout au moins, ne s’enveniment, ont fermé l’ère des continuelles discussions entre les deux gouvernemens. L’affaire Pouzet, rapidement réglée à notre entière satisfaction, grâce à la décision et à la fermeté de M. Paul Révoil ; l’apparition, à cette occasion, d’une escadre dans les eaux de Tanger, ont montré qu’une politique d’énergie et de franchise venait facilement à bout de toutes les difficultés. L’ambassade de Si-Abd-el-Krim-ben-Sliman en France et chez nos alliés de Russie marquera une date dans l’histoire de notre politique marocaine ; rapprochée des événemens qui l’ont précédée ou suivie, elle a montré que nous étions résolus à ce qu’aucune influence, sur cette terre du Maghreb qui touche à notre empire africain, ne l’emportât sur la nôtre. Respectueux de la force, quand elle se manifeste sans hésitation comme sans injustice, rassurés en même temps par l’accueil bienveillant et amical fait à leur ambassadeur, les Marocains ont dû comprendre que nous ne demandions qu’à vivre avec eux en bons voisins, mais que la France est décidément, dans l’Afrique du nord, la puissance prépondérante.

C’est à nous maintenant, par une politique très active, à développer nos intérêts au Maroc et à prouver qu’à tous les points de vue, nous entendons avoir, dans les pays Barbaresques, une situation hors de pair. Tout d’abord, un effort sérieux et persévérant est nécessaire pour le maintien et le développement de