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notre commerce au Maroc. Le chiffre de nos échanges (14 508 748 francs en 1899, dont 9 057 649 francs à l’importation) est encore relativement considérable ; mais le commerce allemand fait au notre une terrible concurrence et les maisons allemandes déploient une activité dont nous semblons avoir perdu le secret. La plus grande partie de nos importations consiste en sucre, dont les Maures consomment de grandes quantités dans leur thé à la menthe ; mais ce n’est qu’aux primes d’exportation que nous devons de conserver ce marché que nous disputent déjà les Belges, les Allemands et jusqu’aux Autrichiens. Nous ne vendons plus de bougies, parce que nos fabricans se sont refusés à fournir les modèles demandés ; pour les draps, les laines, nos manufactures pourraient lutter sans désavantage avec celles de Manchester, si elles consentaient à tisser les articles recherchés sur le marché marocain ; au lieu de cela, nous nous contentons de vendre quelques lainages de luxe pour les burnous des grands chefs et quelques étoffes de soie pour les haïks des belles dames. Il y a là une situation fâcheuse : notre commerce risque d’être vaincu par l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, en attendant les Etats-Unis et l’Italie. Il suffirait cependant que, sur la frontière de terre comme dans les ports, nous montrions quelque énergie, quelque esprit de suite, pour conjurer le péril et occuper bientôt la première place. Quelques mesures, prises sans retard, nous aideraient à lutter : sur terre, la prolongation du réseau algérien jusqu’à Lalla-Marnia et, s’il était possible, jusqu’à la première ville marocaine, Oudjda, est indispensable au double point de vue économique et militaire ; il est inouï que cette ligne n’ait pas encore dépassé Tlemcen, car c’est la future route de Fez, celle qui donnera un jour à l’Algérie son débouché sur l’Atlantique. Du côté de la mer, il est urgent de multiplier et d’améliorer nos services de bateaux, et notamment de subventionner une ligne partant de l’un de nos ports de l’Océan ou de la Manche et allant desservir la côte occidentale du Maroc[1]. L’exportation et l’importation ne suffisent pas à créer l’influence politique, mais il est certain qu’elles y contribuent largement.

Nous n’avons pas ici pour but d’indiquer les nombreux moyens

  1. La pose, au printemps de 1901, d’un câble français de Tanger à Oran a été une heureuse mesure qui affranchit nos communications de l’obligation de passer par les fils anglais ou espagnols.