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LA GENÈSE
DES
IDÉES POLITIQUES DE RICHELIEU[1]


I. — LA RUSE DE LUYNES

La série des événemens considérables accumulés pendant les huit mois qui s’écoulent depuis la bataille des Ponts-de-Cé (août 1620) jusqu’à l’ouverture des hostilités contre les protestans (avril 1621), était suivie avec une attention passionnée par l’évêque de Luçon. Les affaires d’Allemagne, los événemens de la Valteline, les incidens du Midi, c’était, pour lui, matière à de profondes réflexions. Il voyait le lien de ces grandes affaires entre elles ; il embrassait, d’un coup d’œil, le vaste champ de bataille qu’était alors l’Europe. Il tournait, vers ces faits considérables, l’inutile impatience de son génie politique et le travail de ses propres ambitions. Il prenait la mesure de son rival.

Battu aux Ponts-de-Cé, il avait pu, par une habileté suprême, sauver la situation de la Reine-Mère. Lu y nés était obligé de le ménager. Il sentait bien, cependant, que si l’on avait traité avec lui, c’était parce qu’on n’avait pas osé l’abattre.

Mais combien de temps cela durera-t-il ? Sa force est dans la faiblesse de ses adversaires. Si, un jour, ils prennent le dessus, ils en auront vite fini avec sa fragile et redoutable opposition. L’exemple du maréchal d’Ancre prouve que ces gens ne sont pas de ceux qui reculent devant un coup de main. Aussi, l’évêque de Luçon suit, avec une anxiété silencieuse, la marche, trop lente à son gré, des événemens qui se précipitent pourtant.

  1. Voyez la Revue du 1er janvier et du 1er février.