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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/829

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propriétés de l’Aluyne (c’est l’absinthe, et on prononçait l’Aleine), ou sur les ruines occasionnées par les Luynes, le facile amusement des Contrevérités de la Cour, des Qu’as-tu vu de la Cour, ou des Tout en tout de la Cour :


Le Roy simple ; donne tout,
Monsieur de Luyne ruine tout,
Et ses deux frères raflent tout.


le discours du Chien à trois têtes (à cause des trois frères), la Requête présentée à Pluton contre Luynes par Conchine, les dialogues où l’on fait parler Henri IV, les prosopopées que l’on met dans la bouche de la France, les Prédictions de La Sibylle, les Méditations de I’Hermitte Valérien, les plaisanteries de Mathurine et de Gros-Guillaume, tout cela constitue une littérature fort vulgaire et dont il ne faut pas exagérer l’importance.

Cependant, dans cet éphémère fatras, il est quelques pièces qui méritent d’être examinées avec attention. Ce sont celles qui, entre les excès de la thèse catholique et de la thèse protestante, s’appliquent à défendre une politique plus mesurée, plus sage, plus tolérante, une politique exclusivement nationale, mettant au-dessus de tout les intérêts de la couronne de France, et dont les adhérens se donnent, à eux-mêmes, le nom de Bons François.

On ne peut pas dire qu’il y eût groupement politique et parti constitué. La doctrine même était flottante, plus empreinte de catholicisme chez les uns, plus nuancée de protestantisme ou de « libertinage » chez les autres. Nulle organisation publique ou secrète, nul chef reconnu : tout au plus des conciliabules, des conversations chez quelque bourgeois bien posé, dans quelque boutique de libraire, ou dans quelque étude bien close et abritée contre l’indiscrétion du dehors. La causticité de la bourgeoisie parisienne raillait, frondait, chansonnait. Tout en se jouant, elle rencontrait des critiques justes, des traits piquans, des observations fondées. Le bon sens alerte faisait le reste. Le mouvement si sincère des esprits à Paris, la communion des cœurs dans un sourire, l’entente prompte et à demi-mot, donnaient quelque importance à cette petite guerre menée rondement et gaiement du Pont-Neuf à la Place Royale. Dans la ruelle de « l’accouchée, » les commères caquetaient et répandaient la plaisanterie à la mode qui, par les antichambres, entrait au Louvre et se glissait, parfois, jusqu’aux oreilles du Roi.