Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/833

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

découronné. Il demande pourquoi la mère ne l’a pas tiré de ce mauvais pas ; on lui répond qu’elle est elle-même chassée de la Cour ou traînée aux camps comme une « femme à lansquenets. » Personne n’est plus à sa place ; tout l’or du royaume est gaspillé ; le peuple est ruiné, la noblesse périt dans des combats inutiles, et tout cela, pourquoi ? Pour enrichir une famille d’incapables et d’intrigans, dont l’ambition insatiable a tout détruit dans ce florissant royaume : « De haute lutte, ils ont fait passer, depuis quatre ans, toutes les affaires importantes par leurs seuls avis. Ils ont fait marcher le Roi en tous lieux où leurs intérêts particuliers les appelaient. En faveur de Castille, Luynes a négligé toutes les vieilles alliances de la couronne. Il a laissé perdre le Palatinat et les Grisons, afin de se rendre l’Espagnol favorable. La Reine-Mère avait conservé Juliers sous la protection des armes du Roi, et ces trois marauds l’ont laissé bloquer par Spinola à la honte de votre glorieuse mémoire. Le même Père Dominique, qui avait béni les armées impériales, à la veille de la bataille de la Montagne Blanche, on l’a fait venir pour bénir les armées du Roi à la veille de l’assaut de Montauban ! Nous sommes donc bien lus soldats de l’Espagne ; nous ne faisons plus qu’un avec elle. Voilà ce que ces traîtres ont fait de la France. L’ennemi traditionnel a dirigé leur politique et a profité seul de leur incapacité ! »

Ainsi, la politique nationale s’affirme contre la politique catholique et espagnole de Luynes. La bourgeoisie parisienne, avertie par les fautes mêmes qu’elle a commises au temps de la Ligue, se méfie maintenant. Elle n’a plus de goût pour les Saint-Barthélémy ; elle n’a pas oublié l’assassinat de Henri III et celui de Henri IV. Quand on lui parle de recommencer les guerres de religion, elle se demande d’où viennent les conseils. Elle voit, autour du favori, le nonce du Pape, les cardinaux, le parti des dévots et surtout l’ambassadeur d’Espagne. Et l’Espagne, — on le sait maintenant, — n’a qu’un but. Sous le prétexte de la religion, elle poursuit obstinément sa campagne pour la domination universelle. Les moines sont ses favoris et ses estafiers. Tout le monde obéit au : Yo el Rey. Si l’on veut rester des patriotes, la première prudence est de se méfier de tous ces cosmopolites. Jamais on n’en a tant vu à Paris. Les Jésuites, en moins de vingt ans, ont restauré leur Compagnie, ont fondé partout des collèges, se sont emparés de la Cour, se sont imposés au