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frontières naturelles sans les dépasser. Elle s’attachera, par une conquête d’affection, les provinces nécessaires qui se fondront volontairement dans son unité ; et, si la fortune dont un tel homme est digne lui vient en aide, si la faveur royale ne l’abandonne pas, il pourra laisser au monde, avec la paix, un exemple parfait d’effort contenu et de victorieuse modération.

Mais, pour atteindre ce but à peine entrevu, que d’obstacles, que de contrariétés, que de périls ! L’homme qui ose concevoir de tels desseins aura, contre lui la médiocrité générale des hommes, qui ne voient pas ce qu’il voit, parce que la passion les aveugle ou parce qu’ils ont la vue courte, la difficulté des réalisations, toujours si lentes quand les conceptions sont si promptes, l’incertitude de la faveur, que les services rendus ébranlent tout autant que l’intrigue. Cette montagne d’obstacles, qui ferme son horizon, il la mesure du regard. Mais il n’hésite pas ; son cœur résolu n’a jamais tremblé. Et, plus haut que son cœur, son intelligence plane et domine. Elle a tout calculé, tout pesé. Elle voit le succès au bout de la route obscure où elle s’engage ; car cet esprit puissant éclaire au loin l’avenir devant lui et cet étonnant génie a cette portée sans pareille « d’avoir eu les intentions de tout ce qu’il fit. »


GABRIEL HANOTAUX.