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desséchée et de cette civilisation si inférieure à la nôtre, a pu sortir un être sans culture, dont la parole a bouleversé le monde, et dont l’Esprit le domine encore aujourd’hui dans ce qu’il a de meilleur.

Nous causerons sans fin de tout cela quand nous nous reversons. Je m’embarque à Jaffa dimanche prochain, 6 mai, je serai à Smyrne le 11. Je partirai pour la Grèce ; je veux aller admirer l’Acropole, le Parthénon, et baiser à l’Agora les traces de saint Paul, mon grand aïeul.

Je serai à Constantinople vers le 18 ou le 20 mai, et je prendrai de là mon billet pour Paris, en remontant le Danube.

Ma santé est excellente. Je souhaite que vous et tous les vôtres soyez heureux et j’ai souvent prié pour mon cher païen d’ami, dans ce voyage où l’Esprit de Dieu me soulevait plus haut sur les pas du Christ.

A bientôt, cher ami, dès mon retour, j’irai vous voir et il me sera bien doux de retrouver votre cordiale tendresse. Vous verrez bientôt le capitaine T… ; il vous dira comment, ayant encore soif de voir la Terre Sainte, j’ai abandonné mes compagnons de route et suis reparti seul pour contempler à mon aise tout ce qui m’intéressait tant.

Adieu encore, je vous embrasse et me rappelle au souvenir de votre femme en bénissant vos filles.


Beyrouth. 7 mai 1883.

Mon cher ami, Je n’ai appris qu’aujourd’hui, 7 mai, à Beyrouth, par votre lettre du 15 avril, le malheur foudroyant dont vous avez été frappé. Je vous envoie sans retard une dépêche pour que vous sachiez avec quel cœur je m’associe à votre deuil. Votre pauvre femme a dû être terriblement éprouvée, elle qui avait pour son père une affection si tendre. Comme j’eusse voulu être auprès de vous à cette heure de l’épreuve ! C’est l’heure des amis. On se sent moins accablé quand ils sont là, et on ne les connaît bien qu’en ces circonstances tristes.

Croiriez-vous, cher ami, qu’au moment de mon départ, quand je vis M. Y… chez vous, j’ai eu le pressentiment que je ne le reverrais pas ? Son état me semblait très inquiétant, et je ne pus me défendre d’une certaine angoisse.