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trouverez ci-inclus quelques fleurs de Judée, cueillies au Jardin des Oliviers et sur la montagne. Offrez-en à votre femme et à vos petites filles. Je n’oublie point l’anneau de Jeanne ; il me suit partout et il lui reviendra sanctifié et chargé de mille souvenirs divins.

Nous partons vendredi pour Jéricho, le Jourdain, la Mer-Morte. Nous serons dans douze jours à Nazareth et à Tibériade. Envoyez-moi un mot de nouvelles à Beyrouth, chez M. le Comte de Pertuis, un mot comme celui-ci, qui me rassure sur vous et les vôtres.

Adieu, cher ami, j’entasse les impressions qui m’envahissent ici et qui me troublent trop pour que je puisse les traduire encore. Une chose domine tout : c’est de voir comment la Personne qui, par son esprit et son influence, mène aujourd’hui le monde, a pu sortir de ce petit milieu, de ce petit peuple, de cette terre si inférieure quand on la compare à la terre d’Egypte, à la Perse, à l’Assyrie, à la Grèce et à Rome. Tous les autres ont engendré les oppresseurs de l’humanité ; de la Judée est sorti le Libérateur. — Cet Etre vient de plus haut.

Adieu, cher ami, je vous embrasse d’un cœur profondément affectueux


Jérusalem, 3 mai 1883.

Mon cher ami,

Je quitte Jérusalem et la Palestine demain. J’ai passé soixante jours à parcourir, explorer, observer, vénérer ces lieux où le Christ a voulu vivre, agir, souffrir, mourir.

Je suis très impressionné. Je ne puis pas vous dire en détail ce que je sens ; il faut raconter cela : il est impossible de l’écrire : un volume n’y suffirait pas. Ce monde oriental et palestinien est si différent de notre monde européen que tout est à décrire, depuis le rocher nu, que l’admirable lumière de l’Orient éclaire, jusqu’au dernier Arabe, superbement déguenillé, qui y dort accroupi.

Il me semble que je vois vivre maintenant, dans ses traits réels. Celui que j’adorais déjà en Esprit, mais auquel je prêtais une humanité fantaisiste.

Je le trouve plus grand, plus divin que jamais, et je reste de plus en plus confondu, en cherchant comment de cette terre