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à le mieux comprendre ; et puis, il s’en dégage un esprit divin qui m’enveloppe et me pénètre tout entier.

Avec quelle joie je vous reverrai ! Ce sera une entrevue seulement, car j’ai formé le dessein, vous ne l’avez pas oublié, d’aller m’ensevelir dans la solitude, pour y achever ma Vie de Jésus.

Je n’ai pas eu, dans tout ce voyage, la moindre fatigue. Une force intérieure m’a tenu debout et vaillant, de sorte que j’ai travaillé sans relâche.

Je souhaite, cher ami, que vous et les vôtres, soyez en bonne santé, et je prie Dieu qu’il vous donne à tous la paix qui vient de Lui. Je Le prie pour vous, que je voudrais voir, comme je le suis, ou comme j’essaie de l’être, un vrai disciple du Christ, de Celui qui a seul enseigné efficacement à la pauvre humanité à souffrir, à se dévouer, à s’aimer.

Adieu, je vous embrasse tendrement, et je vous charge pour votre femme et pour vos filles de mes sentimens les plus affectueux.


Le Père Didon était de retour en 1887. Son grand ouvrage est composé dans sa tête. Il cherche la solitude pour l’écrire. Cet isolement, il le trouvera à Flavigny, où vécut si longtemps Lacordaire.


Flavigny-sur-Ozerain, 19 avril 1887.
Mon cher ami,

Me voilà installé dans ma nouvelle vie de solitude, de travail et de prière. Flavigny est pour moi aujourd’hui une espèce de Corbara. Je suis en dehors et au-dessus de tout le tourbillon humain, et je vis absorbé dans la composition de mon ouvrage.

J’occupe une grande cellule, un peu moins austère que celle de Corbara. Elle a deux fenêtres, elle est pleine de silence et de lumière. Je suis entouré de mes papiers et de mes livres, comme un simple ouvrier de ses outils. Vous la connaîtrez un jour. Vous viendrez vous asseoir à ma grande table de travail, et vous verrez comme il est doux de vivre solitaire avec une pensée divine et une conscience tranquille.

Je me lève chaque jour à cinq heures et demie ; je prie jusqu’à sept heures un quart. Je déjeune rapidement, je fais mon lit et ma chambre, et, à huit heures moins un quart, je me mets au travail jusqu’à midi. A une heure, je pars en promenade à travers les bois et les champs, dans le fond des vallées qui