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entraînée dans les querelles des autres nations ; qu’elle se crée du même coup des points vulnérables, qu’elle perde ainsi cette absolue sécurité, cette immunité de difficultés extérieures que lui avait value l’absence de voisins forts et qui, en lui épargnant bien des charges et des soucis, avait tant contribué à sa prospérité.

Les anti-impérialistes des États-Unis se recrutent d’abord au sein du parti démocratique, lequel s’est rangé en masse de leur côté, tant par opposition au parti républicain détenteur actuel du pouvoir, qui a lancé l’Union dans la politique de conquête, que par fidélité à ses principes traditionnels ; mais ils comprennent aussi des républicains et non des moindres : l’ancien président Harrison, qui vient malheureusement de mourir, le vieux leader du Massachusetts, le sénateur Hoar, d’autres encore. Ceux-ci n’ont pas été assez puissans pour empêcher le faible président Mac-Kinley de céder aux politiciens professionnels de son parti, qui voyaient dans l’impérialisme une veine de popularité d’une exploitation facile, et qui étaient d’ailleurs encouragés par des syndicats de financiers et de spéculateurs, avides de bénéfices, dont l’influence a toujours été trop puissante dans le parti républicain. Si les élections présidentielles de 1900 s’étaient faites sur la seule question de l’impérialisme, il est possible que ses adversaires eussent remporté la victoire, tant est grande la répugnance d’une forte partie des Américains à « transformer en un vulgaire empire leur libre démocratie. » Mais le candidat démocrate, M. Bryan, qui réclamait l’évacuation des Philippines et de Cuba, avait malheureusement de fâcheux antécédens ; ses doctrines en matière monétaire, ses aspirations quelque peu socialistes lui aliénaient précisément les suffrages de ces classes moyennes des États de l’Est où l’opposition à l’impérialisme est très forte. Bien que la Ligue anti-impérialiste se fût, en désespoir de cause, prononcée en sa faveur, la plupart des hommes qui professaient les mêmes idées refusèrent de la suivre, et M. Mac-Kinley fut élu ; mais la majorité considérable qu’il recueillit dans le collège électoral ne représente qu’une majorité populaire de moins d’un million de voix sur quatorze millions de votans ; aussi reste-t-il très douteux que l’impérialisme possède les sympathies de la majorité des Américains.

Quoi qu’il en soit, les hommes au pouvoir le représentent, et le président Roosevelt plus encore, — quoique d’une manière plus réfléchie, avec plus de largeur de vues, — que le président