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Mac-Kinley. Porto-Rico et les Philippines sont annexées : elles sont sorties de l’absolu provisoire que représentait le régime militaire et qui laissait encore aux États-Unis la liberté de se retirer ; elles ont reçu un gouvernement civil, qui fait de leur annexion un fait sur lequel on ne peut guère revenir. Cuba ne sera évacuée qu’en échange de privilèges spéciaux accordés à l’Union, qui s’arroge un véritable protectorat. Mais déjà surgissent de toutes parts, comme l’avaient prévu les adversaires de l’impérialisme, de graves difficultés constitutionnelles, sociales et économiques.


II

C’est encore à Cuba que les problèmes qui se posent sont le moins compliqués. L’île n’est pas annexée ; elle reste en droit territoire étranger ; seulement les Américains s’y sont fait assurer des privilèges. Que ce soit là une violation formelle des engagemens pris par le Congrès, le jour où il vota la résolution Teller il n’y a pas à en douter. Le texte de cette résolution est si clair que les docteurs eux-mêmes de l’impérialisme osent à peine essayer de l’interpréter ; ils sont obligés de reconnaître qu’on ne peut que la tenir ou la violer, et plaident les circonstances atténuantes : « Si la résolution Teller, écrit l’un des plus ardens impérialistes, le sénateur Beveridge, signifie que les États-Unis doivent abandonner Cuba sans avoir pris de mesures pour y établir un gouvernement stable, alors elle a pour but de détruire la liberté de l’île et d’en retarder les progrès ; car tel serait le résultat d’un pareil abandon. Le Congrès ne pouvait donc l’entendre ainsi, car, en faisant la guerre à l’Espagne, il cherchait à aider le peuple cubain et non pas à lui nuire. Si la résolution signifie que nous devons laisser Cuba s’en aller à la dérive comme une épave aux abords de nos côtes, alors elle aurait pour but de léser les intérêts, de paralyser le commerce, de mettre en péril la sécurité des États-Unis ; mais on ne peut admettre qu’un dessein si peu patriotique ait été conçu par le Congrès… Si tel était le sens de la résolution, avouons franchement qu’elle constituait une erreur, et, entre consommer cette erreur avec ses désastreuses conséquences, ou la réparer franchement, bravement, en instituant et protégeant la liberté, l’ordre, le droit et la loi, il n’y a pas à hésiter. La morale individuelle comme la politique nationale commande d’adopter cette