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la force nationale et le sport.

tions, de réclames, de fêtes et d’invitations, voilà où commence l’abus, voilà d’où part l’excès. L’observation est juste et logique, mais la logique ne gouverne pas le monde et peu d’institutions s’y créent qui ne traînent pas après elles des inconvéniens sérieux ; la question est de savoir si les inconvéniens passent les avantages, ou même s’ils les égalent.

Le sport, pour vivre, a besoin d’être soutenu par la faveur publique, et la faveur publique entraîne toujours à quelque excès. Admettons que l’association sportive représente l’excès, elle n’en est pas moins indispensable. Pas d’association sportive, pas de sport. Le sport, en effet, correspond bien à un instinct profond de l’humanité. Mais cet instinct a besoin d’être excité et tenu en éveil. Il somnole pendant de longues périodes. De fait, il n’a dominé qu’à trois reprises : dans l’antiquité, par l’inspiration du génie grec ; au moyen âge, par l’influence de la chevalerie ; de nos jours, par l’action des tendances scientifiques et des aspirations patriotiques. Aucune de ces causes n’eût suffi à créer l’instinct sportif ; mais, dans les trois cas, l’instinct, sans elles, ne se fut pas développé et, sans la pression du sentiment public et de l’habitude, il ne se fût pas maintenu. La chose est aisée à comprendre. L’effort qui est sans but immédiat et précis n’a jamais de prise directe sur l’humanité ; la séduction du sport n’opère donc pas d’elle-même, et, pour faire envisager à l’homme la fatigue comme un plaisir, il faut l’entraînement d’un motif extérieur, et puis l’influence d’un milieu et d’une opinion favorables.

Tout cela engendre forcément le groupement. Du jour où l’on a voulu mettre sérieusement en pratique les doctrines d’Amoros, il a bien fallu créer des sociétés de gymnastique et notre propagande scolaire a trouvé, depuis quinze ans, dans l’association sportive son principal levier. Faire de la gymnastique solitaire et du sport isolé est une complète utopie.

Si l’individu est modifié dans ses muscles et dans son caractère par le sport, il le sera donc également dans ses vues et ses habitudes sociales. Qu’il doive y gagner, je n’hésite pas à le croire. À notre époque démocratique, l’association est le principal rouage du mécanisme social et l’homme inhabile à s’en servir est un dépaysé, gauche dans sa démarche et gêné dans ses mouvemens. La préoccupation d’entreprendre, à cet égard, dès le collège, la formation du citoyen se fait jour, d’autre part, en plus d’un pays monarchique, et, comme le gouvernement de leurs jeux est celui qu’on peut avec le moins d’inconvéniens abandonner aux adolescens, c’est de ce côté que se mani-