Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/929

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
923
la force nationale et le sport.

ce double avantage surpasse largement un unique inconvénient qu’on peut d’ailleurs travailler à atténuer de bien des manières.

Voilà pour la préparation à la caserne ; mais, dans la caserne même, le sport a-t-il un rôle à jouer ? Ce serait un second aspect de la question introduite devant l’opinion par l’écrivain britannique. En ce qui concerne l’officier, point d’hésitation possible. Oui, le sport est recommandable, à la condition qu’une organisation sportive trop compliquée n’entraîne pas de fâcheuses pertes de temps et des dépenses exagérées ; quant au soldat, son temps de service est devenu trop bref, — et on tend à l’abréger encore, — pour que les jeux trouvent utilement place dans son existence ; sous ce rapport, la renaissance athlétique est venue trop tard. Que de services un jeu viril et passionnant comme le foot-ball n’eût-il pas rendus au soldat de sept ans dont les loisirs, difficiles à occuper, ne le furent pas toujours de la façon la plus exemplaire ! Le soldat de trois et de deux ans, moins endurci et plus surmené, a assez à faire d’apprendre son métier. Seulement son métier, il ne faudrait point l’oublier, comporte l’acquisition de nombreux sports qui, jusqu’ici, n’ont point figuré au programme d’entraînement physique. Presque partout on devrait remanier ce programme dans un sens plus pratique, en sorte qu’il comporte moins de principes, de positions, d’attitudes et plus d’exercices vécus, si l’on ose ainsi dire. On n’apprend pas à franchir lestement une haute muraille en sautant une corde et pas davantage en faisant le saut périlleux ; de même, pour se tirer d’affaire dans l’eau, il n’est pas besoin d’être un plongeur accompli, mais il ne faut pas non plus en être resté aux exercices sur le chevalet !…

Cela nous amène à une conception de l’éducation physique qui n’est pas encore admise, mais qui me paraît devoir s’imposer fatalement à notre génération, car elle est essentiellement utilitaire, et l’utilitarisme est le courant dominant de l’époque. Elle aurait cet avantage de concilier les méthodes rivales et d’enlever aux Rudyard Kipling de l’avenir tout motif de récrimination. Elle consistera à envisager, comme indispensable, la connaissance pratique des instrumens de défense et de locomotion dont le génie moderne nous a pourvus. Elle reléguera au second plan l’ambition qui pousse à l’exploit sportif et l’entraînement qui se spécialise pour y mieux parvenir. Elle ne laissera pas l’exercice au choix de chacun ; elle l’imposera à tous, sous toutes les formes, au nom des concurrences démocratiques et du struggle for life. Et, imbu de ces idées nouvelles, le citoyen éclairé dira à son fils : « Si la bicyclette ne te plaît pas, tu ne seras