promesses américaines et, si le président est sincère, comme il n’y a pas lieu d’en douter, pourra-t-il triompher de l’opposition qui ne manquera pas de se manifester dans les Chambres ?
Cela étant, et s’il faut renoncer à la pleine indépendance, si, d’autre part, le protectorat tel qu’il est compris aujourd’hui lèse gravement les intérêts de l’île, beaucoup de Cubains en sont venus à désirer l’annexion pure et simple aux États-Unis, qui n’aurait pas plus d’inconvéniens que le régime actuel au point de vue politique, puisqu’elle laisserait d’aussi larges libertés locales, et qui aurait plus d’avantages au point de vue économique, puisqu’il en résulterait l’absolu libre-échange avec l’Union. Le parti annexionniste paraît prendre de jour en jour plus d’importance. Mais, si les Cubains frappent ainsi aux portes de l’Union, les Américains sont-ils disposés à les leur ouvrir, et à quelles conditions ? Le jour où ils annexeront Cuba, ils s’y trouveront en face de problèmes semblables à ceux qui se posent à Porto-Rico et aux Philippines. Or, nous allons voir combien ceux-ci sont complexes, combien il est malaisé de les résoudre et quel trouble ils jettent dans tout le système de gouvernement des États-Unis.
L’ancien président Harrison, qui n’a pas seulement rempli, de 1889 à 1893, la magistrature suprême de l’Union, mais qui possédait une compétence universellement reconnue en matière de droit constitutionnel et international, écrivait récemment à propos de l’annexion des îles : « Nous venons de faire quelque chose qui sort tout à fait de la direction de l’histoire américaine, non par le fait de notre extension territoriale, mais par le caractère de cette extension. Jusqu’ici, les régions que nous avions annexées étaient contiguës à notre pays, sauf en ce qui concerne l’Alaska, — encore l’Alaska est-il, en un sens, contigu, car il est rapproché. En outre, au temps de leur annexion, ou bien ces régions acquises par nous étaient désertes, ou bien elles ne contenaient qu’une population civilisée très peu dense ; enfin leur situation, leur climat et leur sol les rendaient propres à être peuplées par des Américains. Aujourd’hui, nous avons acquis des îles situées sous les tropiques, voire dans un autre hémisphère, qui ne sauraient se prêter à l’établissement de colons