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américains, même si elles n’étaient pas, comme elles le sont, peuplées déjà de nombreux habitans qui occupent la plus grande partie de leurs terres. Nous avons annexé des populations plutôt que des territoires, et principalement des populations d’autres races que la nôtre. La main-d’œuvre indigène est à bas prix et menace de concurrencer la nôtre ; et les huit ou dix millions d’habitans des Philippines vivent dans l’ignorance la plus complète des idées américaines, des conceptions américaines de la vie et du gouvernement. Nous (les Américains) prétendons que les Chinois ne veulent pas s’assimiler ; les Philippins seront assurément lents à le faire… »

M. Harrison marque admirablement dans ces lignes la différence entre les nouvelles annexions et les anciennes. Elle est telle qu’il paraît bien hasardé d’appliquer à celles-ci le mode de gouvernement qui convenait à celles-là. Voyons, en effet, quel était le système habituellement employé dans les pays annexés. Recevant une population de même origine, de même culture que celle des anciens États, ils devaient tout naturellement entrer un jour dans l’Union en formant, suivant leurs dimensions, un ou plusieurs États, que leurs aînés pouvaient admettre parmi eux sans crainte d’introduire aucun élément hétérogène. Seulement, pour ne pas accorder tous les droits, si considérables, des États à de faibles groupes de population n’ayant ni grande cohésion ni grandes ressources, pour ne pas donner à ces groupes dans le gouvernement de l’Union une influence disproportionnée à leur nombre, on attendait, pour admettre à la dignité d’État les jeunes communautés qui se formaient dans les terres vierges de l’Ouest, qu’elles fussent sorties du premier âge, tout à fait rude et primitif, de la colonisation ; qu’elles eussent commencé de mettre en valeur leurs richesses naturelles ; qu’elles eussent démontré leur capacité à se gouverner elles-mêmes. On commençait donc par les constituer en Territoires, administrés directement par l’autorité fédérale, en vertu de l’article 4 de la Constitution, qui confère au Congrès « le pouvoir d’édicter tous règlemens et prescriptions concernant tout territoire ou autre propriété appartenant à l’Union. » Bien que la Constitution laisse ainsi au Congrès la liberté la plus entière pour établir dans les Territoires tel régime gouvernemental qu’il juge convenable, en fait, ce régime a toujours consisté en une autonomie locale à peu près complète : si l’exécutif, représenté par le