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franchement ses idées au sujet du nouveau personnel qu’il convenait de choisir. Richelieu fit quelque résistance, puis il prononça les noms de ses amis, Schomberg, Marillac, Champigny, Molé. Ces choix étaient excellens, ces noms respectés. Le Roi approuva tout. Le cardinal pria encore le Roi de réfléchir mûrement et de tout peser : « Après avoir fait une énumération aussi entière que possible, des désordres passés du gouvernement de son État, il lui représente que, si, à l’avenir, en l’établissement de son conseil, il fait encore une pareille faute, elle seroit sans remède ; qu’il étoit facile de détruire, mais difficile d’édifier, que l’un étoit Diable et l’autre Dieu… » Le Roi était à bout de patience ; il n’avait plus de volonté devant ce fascinateur qui l’enveloppait de si longs et si sages discours : il n’avait plus qu’une envie : en finir au plus vite, et partir pour la chasse.

Richelieu était trop ami de La Vieuville pour ne pas l’avertir sous main. D’ailleurs, celui-ci avait remarqué les longs entretiens du Roi et de sa mère ; il n’avait pas besoin de ces avis pour être perdu d’inquiétude. Il se jette dans la gueule du loup. Il va voir le cardinal qui, selon ses propres paroles, « sachant bien taire la vérité, mais non la violer, ne put jamais lui répondre avec telles précautions qu’il n’odorât quelque chose de ce qui devoit lui arriver.

La Vieuville alla lui-même porter sa tête. Il se rendit à Ruel où le Roi était en visite près de la Reine sa mère ; il dit au Roi « qu’il connaissoit bien qu’il ne vouloit plus se servir de lui. » Le Roi se tut ; La Vieuville reprit quelque espoir et demanda au Roi de l’autoriser à venir le lendemain, auprès de lui, à Saint-Germain. Le Roi le lui permit. Il arrive à l’heure dite. Il entre. Le Roi lui dit qu’il est démissionnaire, écoute ses plaintes un instant, puis le fait sortir. Dans la cour du château, La Vieuville voit venir vers lui M. de Tresmes, capitaine des gardes du corps, qui lui dit quelques mots, le pousse dans le petit carrosse de Sa Majesté ; accompagné d’un certain nombre d’archers, il est conduit au galop jusqu’à Amboise.

Le Roi réunit aussitôt son Conseil. Il expose le parti qu’il venait de prendre et déclare en s’adressant au cardinal de Richelieu qu’il entendait reconstituer le Conseil.

Si l’on en croit le cardinal, il prononça un discours très étudié, où il développait au Roi tout un programme de gouvernement. Il approuva grandement la mesure prise à l’égard de