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La Vieuville : « Si Votre Majesté faisoit encore un choix pareil à celui-là, vos affaires seroient perdues en sorte qu’il seroit impossible de les remettre jamais sur pied… La mémoire de ses fautes s’oubliera, mais les actions de ceux qui entreront à sa place dureront autant qu’ils y seront. « Il conseilla au Roi » de constituer un Conseil uni, de n’entendre aucune plainte en particulier contre tel ou tel ministre ; il lui conseilla d’entretenir les Grands et de faire caresse à tout le monde. » Il parla de l’autorité qui appartenait naturellement à la Reine-Mère et de la bonne harmonie et familiarité qui devait exister avec la Reine régnante. Il rappela dans quel état se trouvaient les affaires intérieures et les affaires extérieures : « Le mariage d’Angleterre est en mauvais termes par la faute de La Vieuville ; l’affaire de la Valteline a été conduite avec tant d’extravagance et de contrariétés qu’il est à craindre que vous y perdiez votre réputation et vos finances. Sire, il faut vous gouverner de telle sorte que tout le monde reconnaisse que Votre Majesté pense elle-même à ses affaires comme il est à désirer. » Les caresses étaient prodiguées à tout le monde. Le trait final faisait appel à l’honneur du Roi.

Le Roi répondit brièvement. Il approuva ce que le cardinal venait de dire. Il se plaignit de ses ministres, même de Luynes, mais surtout de Puisieux et de La Vieuville. Il déclara aussitôt, que, désormais, il verrait ses affaires avec plaisir, puisqu’elles seraient conduites avec ordre ; et il chargea, par ces mots, le cardinal de Richelieu d’en prendre désormais la direction.

C’était un contrat solennel, passé devant le Conseil attentif. Le jour même, 13 août 1624, « jour d’éternelle mémoire, » le cardinal devenait premier ministre.

L’ambassadeur vénitien, qui annonce la nouvelle à son gouvernement, écrit : « Autant qu’il est possible de prévoir humainement l’avenir, ce nouvel édifice ne s’écroulera pas aussi facilement que les autres. »


GABRIEL HANOTAUX.