— Qu’est-ce que l’esprit militaire ?
— L’obéissance et le sacrifice.
— Qu’entends-tu par « grande vaillance ? »
— Ne jamais regarder le nombre et marcher.
— Et par « petite vaillance ? »
— S’emporter pour un rien et s’abaisser à des brutalités viles.
— D’où vient la tache de sang qui rougit ton drapeau ?
— De celui qui le portait dans la mêlée.
— A quoi te fait-elle songer ?
— A son bonheur.
— L’homme mort, que reste-t-il ?
— La gloire.
En sortant, mon compagnon me dit :
— Nous n’avons pas voulu que notre pays fût simplement pour l’Europe un musée de curiosités.
Et je pensais : « Petit soldat, on t’habille à l’européenne, et même les peintres japonais de la nouvelle école, qui représentent tes exploits en Chine ou à Formose, ne te trouvent pas encore assez beau, puisqu’ils plantent sur les épaules une tête de troupier occidental. Mais, sous ton nouvel uniforme, tu parles comme tes ancêtres qui tombèrent à Sekigahara. Tant que tu penseras ces choses, le Japon sentira tressaillir en lui la divinité de ses morts. Et tu me donnes, — ce que j’ai vainement cherché à travers ta politique, ton bouddhisme, ta vie familiale, ta richesse ou ton dénuement, — un point fixe d’où je puis contempler sans trop d’appréhension ni de mélancolie un peuple qui n’a pas voulu être un musée de curiosités, mais qui devient, hélas ! un laboratoire d’inoculations.
ANDRE BELLESSORT.