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ces grands mots, — du romantisme au naturalisme, de l’égoïste expression de lui-même à la représentation large de la réalité. Et j’entends bien, je sais bien que, pas plus d’ailleurs que Voltaire, il n’a toujours donné le signal du mouvement ! D’autres l’ont précédé dans la plupart de ses voies. Les Méditations sont antérieures aux Odes et Ballades, l’Allemagne à la Préface de Cromwell, les romans de Walter Scott à Notre-Dame de Paris et le Juif Errant aux Misérables… Mais c’est ce qui n’importe guère ! Car il n’est pas vrai, quoi qu’on en ait pu dire, que « les novateurs tiennent le premier rang dans la mémoire des hommes » ou du moins il faut s’entendre sur ce nom de novateur. En littérature comme en art, les idées n’appartiennent pas à celui qui les a « trouvées » ou « inventées, » mais à celui qui en a fixé l’expression décisive, adéquate, et définitive. Tel est le cas de Victor Hugo. Et puisque d’ailleurs l’évolution des idées littéraires du XIXe siècle n’apparaît nulle part plus évidemment que dans son œuvre et ne s’y dessine avec plus de clarté ; puisque ces idées n’ont pas rencontré d’interprète plus éloquent ou plus inspiré ; puisque la manière dont il a su se les approprier a comme anéanti jusqu’au souvenir de ceux qui peut-être les avaient jetées les premiers dans la circulation, c’est donc à lui désormais qu’en appartiendra la gloire.


Et s’il n’en reste qu’un, il sera celui-là !


F. BRUNETIÈRE.