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Eux aussi, invisibles pendant le jour, sont actifs pendant la nuit : ils piquent l’homme et en sucent le sang précisément pendant que celui-ci charrie les embryons nocturnes (filaria nocturna). Les choses semblent donc réglées de la manière la mieux appropriée pour qu’ils puissent absorber ces petits vers destinés, sans cela, à la destruction. Il y a là une adaptation tout à fait remarquable de l’émission nocturne des vermisseaux filariens aux habitudes du moustique. C’est cette coïncidence qui inspira à P. Monson l’idée de rechercher si, en effet, le moustique avalait ces petites filaires nocturnes, et avait un rôle dans leur évolution.

L’expérience a répondu positivement. Dans l’estomac du moustique qui a piqué à la tombée du jour ou pendant la nuit l’homme atteint de filariose, on retrouve quelques-uns des embryons de filaire qui circulaient à ce moment dans le sang. Douze heures après, ces embryons traversent la paroi de l’estomac du moustique et se logent dans les muscles du thorax, où ils se transforment en larves.

C’est là qu’on les perd de vue. Ne sachant plus ce que devient la larve jusqu’au montent où on la retrouvera dans un vaisseau lymphatique de l’homme, il fallut suppléer à cette lacune de l’observation. On le fit au moyen d’une supposition très plausible. On imagina que le moustique, dont l’existence est limitée à une durée de cinquante jours environ, venant à mourir, son cadavre se détruisait dans l’eau et que les jeunes filaires, mises en liberté, y menaient alors une vie libre et active. Il arrive souvent, en effet, qu’en pondant, ou après avoir pondu ses œufs à la surface de l’eau, la femelle du moustique s’y noie. Son corps se détruit. Les larves de filaire mobiles, nageuses, ainsi libérées, pourraient être avalées par l’homme, qui prendrait alors le germe de la maladie. La transmission à l’homme, d’après cela, se ferait par une eau contaminée ; l’usage d’eau filtrée ou bouillie devait mettre à l’abri de la filariose.

P. Monson, depuis longtemps déjà, avait donc constaté que la filaire, au cours de son existence, avait deux habitats successifs l’homme et le moustique, — l’homme infestant le moustique. Mais, ne sachant point encore comment le cycle évolutif se complétait et comment le parasite faisait retour à l’homme, le savant anglais acceptait l’idée de ce troisième habitat, les eaux, ensemencées par les cadavres des moustiques.

Voilà ce que l’on a cru jusqu’à ces toutes dernières années. C’était une erreur ; et l’histoire est, à la fois, plus compliquée et plus simple.

P. Monson a repris, en 1897, cette étude de l’évolution de la filaire