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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/227

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comparative que l’on pourrait qualifier de cruciale. L’intérieur d’une baraque fut divisé en deux compartimens exactement semblables, par une toile métallique fine étendue du plancher au plafond. Dans l’un des compartimens, on lâcha quinze moustiques contaminés : un jeune Américain, Moran, y pénétra et s’exposa à leurs piqûres ; dans l’autre compartiment, deux hommes non immunisés s’établirent et restèrent en permanence. Le jeune homme fut atteint de la fièvre jaune : ses deux compagnons conservèrent leur bonne santé. La contamination par les seuls moustiques était évidente.

Nous avons parlé tout à l’heure de délais convenables pour que la piqûre du moustique contaminé soit efficace. Que faut-il entendre par là ? Les expériences précédentes ont appris qu’un moustique qui vient de piquer un sujet affecté de fièvre jaune n’est pas apte immédiatement à transmettre la maladie. Ce n’est que douze jours plus tard qu’il le devient. Il lui faut un délai de douze à dix-huit jours pour devenir contaminateur : avant ce terme, sa piqûre reste bénigne. D’ailleurs, elle ne confère point l’immunité : elle ne produit pas une maladie atténuée. Ce fait semble bien indiquer que le moustique n’est pas un agent de transport pur et simple. Le parasite infectieux de la fièvre jaune exécute, sans doute, dans les tissus de l’insecte une évolution qui exige une douzaine de jours, après laquelle, faisant retour à l’organisme de l’homme, il peut y développer la maladie.

Ces expériences ont encore fait connaître la véritable durée de l’incubation de la fièvre jaune. La maladie se déclare et les accidens de début éclatent, dans un délai qui varie de deux à cinq jours après que l’homme a été piqué par le moustique contaminateur.

En résumé, le moustique (Culex fasciatus) est l’agent propagateur du parasite spécifique, encore inconnu, de la fièvre jaune. Il emprunte le parasite à l’homme malade, et ce n’est que douze jours plus tard qu’il peut, en piquant un sujet sain et non immunisé, lui restituer le parasite et lui communiquer la maladie. Celle-ci se déclare de trois à six jours plus tard. Quant aux poussières, aux linges souillés, au matériel de couchage, aux objets qui ont été en, rapport avec les malades, aux marchandises provenant des localités où règne l’épidémie, leur contact est sans danger : leur désinfection est inutile, à moins qu’on ne se propose de détruire quelque moustique qui s’y serait conservé vivant. La désinfection efficace consiste dans la destruction des moustiques.

Rien n’est plus judicieux, au point de vue de la prophylaxie de la fièvre jaune, que les prescriptions portées à l’ordre de l’armée américaine