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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/303

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auraient été appuyées à la fois par le sultan, par le clergé et la population orthodoxes de Bosnie. Le gouvernement impérial était trop sage pour braver sans profit de pareils conflits. À ces difficultés, peut-être sans précédent, il a su trouver une solution ingénieuse qui respecte toutes les prétentions et tous les droits.

La diplomatie austro-hongroise a négocié avec le patriarcat de Constantinople, tout comme elle a fait, pour la hiérarchie catholique, avec le Saint-Siège romain. L’Autriche a traité avec le Phanar, aussi bien qu’avec le Vatican. Elle a signé avec le patriarcat une convention, l’on pourrait dire un concordat, peut-être unique dans les fastes de l’Église grecque. Par cet acte, dont les concordats avec Rome lui avaient sans doute suggéré l’idée, l’Autriche-Hongrie s’est fait concéder le droit de nommer elle-même les évêques orthodoxes de Bosnie auxquels le patriarche ne confère plus que l’investiture canonique. Ce privilège, l’empereur-roi ne l’a pas obtenu gratuitement ; le patriarcat œcuménique, naguère encore rongé par la lèpre de la simonie, est trop pauvre pour renoncer, sans compensation pécuniaire, à l’usage de ses droits en Bosnie ; il s’est du reste montré peu exigeant. Pour prix du droit de désigner les évêques orthodoxes en Bosnie-Herzégovine, l’Autriche-Hongrie n’a eu qu’à s’engager à verser, chaque année, au patriarcat, une rente de quelques milliers de florins, équivalente au revenu que la métropole byzantine tirait de ces provinces, avant l’occupation austro-hongroise. Le patriarcat œcuménique qui, au cours du XIXe siècle, a vu tant de fois se restreindre la sphère de sa juridiction, avec les démembremens successifs de l’empire des Osmanlis, continue ainsi à lever, sur ces lointaines contrées, demeurées comme ses vassales ecclésiastiques, un léger tribut annuel.

Autrefois, sous la domination musulmane, le clergé de chaque confession vivait uniquement des revenus de son Église, du casuel et des contributions des fidèles. Il en est encore ainsi des popes orthodoxes et des curés catholiques. Il n’en est plus de même de l’épiscopat. Le gouvernement impérial, ou mieux, le budget de la Bosnie-Herzégovine sert un traitement aux évêques chrétiens des deux rites, aussi bien qu’au Reis-et-Uléma et aux muftis musulmans qui sont, eux aussi, à la nomination du pouvoir civil. La population orthodoxe se trouve déchargée d’une taxe ecclésiastique, qui lui était d’autant plus odieuse qu’elle était souvent perçue au profit d’évêques grecs, étrangers au pays.