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l’instituteur désigné par l’administration ont été traités en intrus devant lesquels toutes les portes se fermaient. Sur quelques points, à Mostar notamment, la capitale de l’Herzégovine, l’administration a dû dissoudre le conseil de la commune serbe et placer ses écoles sous la direction d’un commissaire du gouvernement. Pour protester contre cette immixtion du pouvoir dans leur église ou dans leur école, un grand nombre de Serbes de Mostar imaginèrent de mettre l’école et l’église à l’index. C’est ainsi que, lors de ma visite à Mostar, les plus zélés des orthodoxes s’étaient mis en grève religieuse. Ils repoussaient les services de l’Église, pour les obsèques de leurs morts ; ils refusaient de laisser baptiser leurs enfans par les prêtres nommés sans leur consentement. Pareille conduite montre à quel point, dans ces régions balkaniques, le sentiment national est lié au sentiment religieux et le domine.

On voit quelles résistances passionnées a rencontrées le gouvernement de la Bosnie en des questions d’autant plus délicates que, la religion y étant mêlée, toute mesure de rigueur contre les récalcitrans risquait de prendre l’aspect d’une persécution religieuse. Pour triompher de ces difficultés et apaiser cette agitation, la force serait insuffisante ; il y faut surtout de la patience et du tact. L’administration austro-hongroise aura d’autant moins de peine à y parvenir qu’elle fera moins violence aux coutumes locales et qu’elle aura la sagesse de laisser aux paroisses orthodoxes toutes les libertés compatibles avec l’ordre public et la sécurité du pays.


III

La population catholique a donné moins de soucis au gouvernement que les Serbes orthodoxes. La raison en est double les catholiques sont beaucoup moins nombreux que les orthodoxes ; et l’occupation autrichienne ne pouvait susciter, parmi eux, ni regrets, ni opposition.

Comme groupe de population, les catholiques, en Bosnie-Herzégovine, ne viennent qu’au troisième rang, après les orthodoxes et après les musulmans. Le recensement de 1895 compte 334 000 catholiques, presque tous de rite romain. Ils sont probablement, aujourd’hui, près de 400 000. Leur progression numérique est, en effet, très rapide. En 1879, aux premiers jours de