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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/305

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Une pareille autonomie ne pouvait guère subsister sous un gouvernement européen ; la Serbie elle-même ne l’eût sans doute pas plus respectée que l’Autriche-Hongrie. « Cette commune serbe, me disait un haut fonctionnaire, empruntant une formule bien connue chez nous, constituait un État dans l’État ; aucun pays civilisé n’eût pu la tolérer. » Les pratiques de l’État moderne sont, en effet, peu favorables à une semblable indépendance des communes. On ne saurait donc être surpris que le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ait prétendu s’immiscer dans la gestion et dans les comptes de la commune serbe orthodoxe. S’il ne s’est pas toujours emparé de ses écoles, s’il lui a souvent laissé le choix de ses instituteurs, il ne leur permet d’exercer leurs fonctions qu’après avoir été confirmés par les autorités locales. L’école serbe qui fonctionnait autrefois à la manière d’une école libre tend ainsi à se transformer en école du gouvernement.

Les autorités autrichiennes ont procédé d’une manière analogue avec le clergé. Elles ne se souciaient pas d’abandonner le choix du pope à ses paroissiens ; elles l’ont fait nommer par l’autorité ecclésiastique, par les métropolites qui, eux-mêmes, sont désignés par le gouvernement. Ce mode de nomination est, dit-on, plus rationnel et plus conforme aux canons de l’Église orientale ; c’est ainsi, en effet, que l’on procède, aujourd’hui, dans la plupart des pays orthodoxes, en Serbie même. Ces réformes avaient beau s’appuyer sur les intérêts ou sur les lois de l’Église, en même temps que sur les exemples des pays voisins, elles ne pouvaient manquer de froisser les Serbes de Bosnie. Ils n’avaient pas imaginé que leur émancipation du joug turc aboutirait à la restriction des franchises et privilèges de leur libre commune. Ils craignaient qu’en s’ingérant dans les affaires de leurs écoles et de leurs églises, le gouvernement austro-hongrois n’eût le dessein d’en altérer le caractère national. Leurs appréhensions étaient d’autant plus vives que, non contente de restreindre les droits des paroisses orthodoxes, l’administration bosniaque avait cru devoir réglementer les dons ou donations que les paroisses pouvaient recevoir, comme si elle eût voulu tarir la source de leurs revenus.

Le mécontentement et les sourdes résistances soulevés par ces réformes n’ont donc rien qui puisse nous surprendre. En nombre de paroisses, le prêtre nommé par le métropolite et