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larges fresques qui symbolisent, manifestement, les grandes idées de Mgr Strossmayer et du pape Léon XIII sur l’alliance de Rome et des Slaves. Fidèles aux leçons du grand pape qui a remis en honneur, parmi les catholiques, le culte des deux frères, saint Cyrille et saint Méthode, les Jésuites de Sarajévo nous montrent, dans ces peintures de leur église, les deux apôtres des Slaves accueillis, solennellement, par le prince de la Grande Moravie, l’ancien empire slave du Danube. S’ils avaient été appelés en Bosnie pour la germaniser, ce ne sont pas de pareils souvenirs que célébreraient les Jésuites. De telles images, sur les murailles encore neuves d’une église de la jeune capitale bosniaque, équivalent à un programme. Alors qu’ils revendiquent ainsi pour Rome les apôtres des vieux Slaves, et qu’ils rappellent aux Bosniaques l’ancienne fraternité des deux rites, les Jésuites de Bosnie laissent clairement entendre qu’ils espèrent, eux aussi, aider au rapprochement des Slaves, par la réconciliation des Églises.

Le clergé de Bosnie ne peut avoir d’influence sur ses ouailles qu’en respectant, au lieu de le heurter, leur sentiment national. C’est ce qu’il fait, d’ordinaire, avec la réserve et la prudence que lui imposent ses fonctions et le respect des pouvoirs établis. Parfois même, le gouvernement a trouvé que les hommes qu’il avait mis à la tête de ce clergé montraient trop de complaisance pour les projets ou pour les rêves nationaux des Slaves catholiques. C’est ainsi que l’archevêque de Sarajévo, Mgr Stadler, lui-même un Slave du Sud de l’autre rive de la Save, a été réprimandé par le gouvernement impérial, pour avoir participé, à Zagreb (Agram), à un Congrès national croate et y avoir encouragé les espérances des partisans d’une Grande Croatie. Se faisant l’interprète des ambitions nationales de ses compatriotes, le prélat avait exprimé le vœu de voir les provinces occupées bientôt réunies à la mère patrie croate.

Le clergé catholique de Bosnie sera toujours porté à s’approprier, sinon la politique, du moins le grand idéal et les hautes espérances de l’éloquent évêque de Diakovar, Mgr Strossmayer. En aucune région de l’Orient, l’union des Églises, si ardemment invoquée par le pape Léon XIII, n’aurait des effets plus profonds et plus durables. En aplanissant, si elle ne le comblait, le fossé historique qui, depuis tant de siècles, sépare le Serbe orthodoxe du Croate catholique, elle préparerait, avec l’unité religieuse, l’unité