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Mais, le matin du quatrième jour, ce même soleil, à son lever, apparut dans une pure splendeur. L’Arabie était là près de nous, surgie comme en surprise durant la nuit, les cimes de ses montagnes se profilant déjà très haut, dans l’air tout à coup clarifié, infiniment limpide et profond ; l’Arabie, terre de la sécheresse, soufflait sur nous son haleine brûlante, qui était dénuée de toute vapeur d’eau et qui balayait vers le large les brouillards marins. Alors, les choses étaient redevenues lumineuses et magnifiques, les choses étalaient leur resplendissement sans vie, dans des transparences absolues, ainsi qu’il doit arriver quand le soleil se lève sur les planètes qui n’ont pas d’atmosphère.

Ensuite, dès que fut passé l’enchantement rose de l’extrême matin, ces montagnes d’Arabie prirent pour la journée des teintes violentes et sombres d’ocre et de charbon ; avec leurs milliers de trous et leurs brûlures noires, elles affectèrent des aspects de monstrueux madrépores calcinés, de monstrueuses éponges passées au feu ; elles apparurent comme les vieilles scories inutilisables des cataclysmes primitifs.

Cependant nous arrivions à Mascate, et des forteresses sarrasines, des petites tours de veille fantastiquement perchées, commençaient de montrer çà et là leurs blancheurs de chaux, au faîte éblouissant des montagnes. Et, une baie s’étant ouverte dans ce chaos des pierres noircies, nous aperçûmes la ville des Imans, toute blanche et silencieuse, baignée de soleil et comme baignée de mystère, au pied de ces amas de roches qui simulaient toujours de colossales éponges carbonisées.

Point de navires à vapeur, point de paquebots au mouillage devant la muette ville blanche qui se mirait dans l’eau ; mais quelques grands voiliers, comme au temps passé, des voiliers qui arrivaient, charmans et tranquilles, toute leur toile tendue à la brise chaude ; et quantité de ces hautes barques d’Arabie qu’on appelle des boutres et qui servent aux pêcheurs de perles. Avec ces navires d’autrefois entrant au port, et avec ces tours crénelées, partout là-haut sur les cimes, on eût dit une ville des vieux contes merveilleux, au bord de quelque rivage sarrasin étrange comme en rêve.


Ainsi qu’à Damas, à Maroc ou à Méquinez, ainsi que dans toutes les pures cités de Mahomet, dès l’entrée à Mascate, nous sentîmes s’abattre sur nos épaules le manteau de plomb de l’islam.