Hélas ! Que répondre ? Comment lui donner les raisons complexes pour lesquelles, depuis quelques années, notre pavillon a presque absolument disparu de la mer d’Arabie et du golfe Persique, nos navires peu à peu remplacés par ceux de l’Angleterre et de l’Allemagne ?…
Le sultan, ensuite, d’accord avec notre consul, voulut bien me proposer de m’arrêter ici quelques jours, et c’était une manière de témoigner sa sympathie pour notre pays, cet accueil au voyageur français qui passait. J’aurais eu des chevaux, des escortes. On m’offrait d’aller vers l’intérieur, voir des villes —mornes sous l’étincelante lumière, des villes où les Européens ne vont jamais ; de visiter les tribus des oasis, qui seraient sorties —à ma rencontre en faisant des fantasias et en jouant du tambour. Et la tentation d’accepter me prit très fort, là dans cette salle blanche où agissait sur moi la grâce aimable du souverain des déserts. Mais je me rendais en Perse, et je me souvins d’Ispahan, où, depuis des années, je rêvais de ne pas manquer la saison des roses. Je refusai l’honneur, n’avant pas de temps à perdre, puisque l’avril était commencé.
Pour ce voyage de Perse, dont nous causions maintenant, le sultan voulut me donner un beau cheval noir, à lui, qui gambadait par là sur la plage. Mais comment l’emmener par mer, et comment résisterait-il, ce coureur des plaines de sable, dans les terribles défilés qui montent à Chiraz ? Après réflexion, je dus refuser encore.
Et, vers la fin du jour, je me retrouvai sur le bateau qui allait m’emporter au fond du golfe Persique. C’était l’instant où la ville couleur de neige commençait à bleuir au déclin du soleil, sous son linceul de chaux, tandis qu’alentour le chaos des pierres se teintait comme du cuivre. Aucun bruit n’arrivait à nous de ces maisons fermées, devenues pâlement bleues, qui se recueillaient plus profondément dans leur mystère à l’approche du soir. Seuls, les oiseaux de mer s’agitaient, tourbillonnaient en nuée au-dessus de nos têtes, avec des cris, goélands et aigles pêcheurs ; il n’y avait qu’eux de vivans, car les barques mêmes demeuraient engourdies de chaleur et de sommeil, posées sur l’eau tiède comme des choses mortes. Avec un peu de mélancolie, je regardais Mascate, où j’avais refusé de rester… Les villes ignorées des oasis, les fantasias des