Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

byzantins, au contraire, la nomment Anne. C’est certainement là le nom nouveau qu’elle reçut au moment de son entrée dans le giron de l’Église grecque à l’occasion de son mariage à Nicée et parce que « Vatace » ne voulut pas qu’elle conservât un nom de désinence toute latine, qui n’était porté par aucune sainte de l’Église orthodoxe. Nous ignorons tout des premières années de cette princesse. Nous ne savons rien ni des négociations, et des formalités qui précédèrent son mariage, ni de son long et pénible voyage d’Italie, probablement de Brindisi à Nicée, sauf que, en raison de sa grande jeunesse, son impérial père, en composant sa petite cour, plaça auprès d’elle, pour instruire et guider son inexpérience, une jeune dame italienne désignée sous le nom de « Marchesina » dont les agrémens de l’esprit, surtout l’éclatante beauté, avaient le tort d’effacer entièrement les qualités plus modestes de la petite princesse confiée à ses soins.

C’était afin de s’assurer l’alliance du grand « Vatace » pour ses projets ambitieux que l’empereur Frédéric avait donné son consentement à cette union impie de sa fille avec un prince hérétique, adversaire acharné de Rome et des Latins de Constantinople. Cette alliance pouvait lui être fort utile pour les plans grandioses qu’il nourrissait incessamment du côté de l’Orient en son âme inquiète. Puis surtout, en agissant de la sorte, il favorisait ouvertement les Grecs contre la papauté, son ennemi mortel. Le pape Innocent IV, contre lequel il soutenait une lutte violente et qui l’avait tout récemment excommunié à nouveau, se refusa de considérer le mariage de la catholique princesse avec « Vatace l’hérétique » comme légitime.

Certainement le haut clergé orthodoxe de l’empire de Nicée ne vit pas cette union d’un mil plus favorable. Mais ni le pape, ni le clergé grec ne furent en état de s’opposer à l’exécution de la volonté impériale. Ce fut là un nouveau et formidable grief du souverain pontife contre l’empereur, une des imputations les plus graves formulées dans l’excommunication solennelle prononcée par lui contre Frédéric.

Nous ne savons, hélas ! rien non plus des noces de la petite princesse allemande avec le basileus byzantin installé en Asie. Aucun chroniqueur parvenu jusqu’à nous n’a raconté ces fêtes splendides. Très certainement elles furent célébrées dans l’antique métropole de Nicée par le patriarche orthodoxe avec toute la pompe magnifique de l’Église orientale. Constanza ou Anne