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sa marque propre, - le fond en a été le même; et d'ailleurs M. Poincaré, qui a parlé le second, a tenu à dire qu'il était pleinement d'accord avec M. Ribot, qui avait parlé le premier.

Qu'avions-nous à leur demander? De s'élever au-dessus des polémiques du jour pour regarder au lendemain de la bataille, et de tracer, avec des limites précises, un champ assez vaste pour que toutes les bonnes volontés républicaines et libérales pussent s'y donner rendez-vous. Cela leur était personnellement facile. Depuis le premier jour jusqu'au dernier, ils ont combattu le ministère actuel, d'abord dans sa composition et ensuite dans ses actes principaux. Pour juger ces actes et les condamner, ils se sont placés constamment au même point de vue, celui de la liberté. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit si souvent à ce sujet. Tout le monde sait, pour en avoir souffert plus ou moins directement et durement, que les principales libertés qui ont été atteintes sont, dans l'ordre moral, la liberté de l'enseignement, et, dans l'ordre matériel, la liberté du travail. Les consciences d'une part, le travail et la propriété de l'autre, ont été sérieusement inquiétés et menacés. Et cela devait résulter de l'alliance qui s'est faite entre les radicaux et les socialistes sous l'égide gouvernementale.

Les radicaux sont les adversaires-nés de la liberté de l'enseignement ; mais, jusqu'ici, ils n'osaient pas l'attaquer. M. Poincaré a rappelé qu'aux élections de 1898, il n'en a même pas été question. Les uns l'acceptaient, les autres la subissaient, nul ne songeait à la contester. On chercherait en vain dans les programmes politiques de cette époque la source des événemens qui se sont déroulés plus tard, et qui ont fait passer la question de l'enseignement au premier rang de nos préoccupations. Cette question semblait résolue : la solution en avait été donnée, il y a plus d'un demi-siècle, et, au bout d'un aussi long temps, la prescription politique semblait acquise. Mais les instincts violens, assoupis en apparence, n'étaient pas définitivement apaisés : il ne fallait qu'une occasion pour leur faire reprendre leur énergie agressive. Cependant l'explosion ne s'est pas produite d'un seul coup. Dans la grande commission de la réforme de l'enseignement, présidée par M. Ribot, des hommes de tous les partis ont été entendus : aucun, à notre connaissance, n'a demandé qu'on supprimât la liberté d'enseigner, et quelques-uns des plus distingués, comme M. Léon Bourgeois, s'en sont déclarés partisans. Mais, peu à peu, un travail en sens inverse s'est fait dans les esprits. La discussion de la loi sur les associations, qui restera l'œuvre maîtresse