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les yeux de ce qui se passe à la Chambre et de regarder ce qui se prépare dans le pays.

M. Ribot en a donné l'exemple, à Marseille, et c'est là surtout ce qu'on ne lui pardonne pas. Tant de colères se sont amassées contre lui, et il s'en est formé un nuage si épais, que le moindre prétexte devait servir d'amorce à une explosion formidable. Il était temps, néanmoins, que le parti républicain progressiste fît entendre sa voix. Après M. Ribot, et en quelque sorte coup sur coup, nous avons entendu M. Poincaré, qui a prononcé à Rouen un discours non moins énergique et non moins précis que celui de Marseille. Les deux orateurs ont affirmé que leur parti vivait encore, qu'il était même plus résolu que jamais, et que ceux qui en avaient prononcé l'oraison funèbre y avaient mis trop de hâte. M. Ribot, dans sa péroraison, et M. Poincaré, dans son exorde, ont fait voir que ce parti était très éloigné du découragement. Il lui est arrivé, autrefois, de se laisser aller à des faiblesses, à des défaillances même; mais on aurait tort de le juger d'après quelques incidens de son passé. Le voilà enfin en formation de combat. Sa disparition serait un malheur pour la République : il y représente une somme d'expérience, de probité et de' talent politiques qu'on remplacerait difficilement. Nous voyons, en ce moment, d'autres partis déjà engagés dans la lutte y apporter une ardeur passionnée. Il en est de nouveaux, comme le parti nationaliste, qui n'est pas celui qui parle, ni dont on parle le moins. D'autre part, les radicaux, les collectivistes, enfin les ministériels de toute nuance font rage. Quelle étrange et hétéroclite coalition que celle qui s'affuble de l'épithète de ministérielle! Quoi qu'on fasse dans les autres camps, il sera difficile d'y contracter des alliances plus déconcertantes, et de se couvrir d'un drapeau plus bariolé. Mais nous sommes bien d'avis que ce n'est pas un exemple à imiter. Les coalitions ne se forment qu'au détriment de la personnalité de chaque parti, et, au milieu de tant d'obscurités qu'on a artificiellement accumulées, notre premier besoin est de faire de la clarté. Sans doute, toutes les oppositions ont un lien commun dans le fait même qu'elles sont des oppositions, et un but commun, qui est le renversement du ministère; mais elles sont séparées sur beaucoup de points par des tendances, des idées, des programmes divers, et le mieux pour elles est de rester distinctes les unes des autres. C'est pour cela que nous désirions entendre la parole des républicains progressistes. Les discours de Mit. Ribot et Poincaré ont été les bienvenus. S'ils ont différé par la forme, - chacun des deux orateurs ayant mis au sien