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ou dans le mazet de Tartarin ; dites-leur donc d’y aller voir !… Ils préféreront vous croire, et ce sera regrettable, car il ferait bon montrer au public sceptique avec quelle opiniâtreté sont à l’œuvre nos pionniers, conscients de l’énergie inlassable qu’exige en collaboration la rude nature tropicale, dont les trésors sont enfouis comme ceux du laboureur de la fable et n’apparaissent qu’à celui qui travaille et prend de la peine.

On retourne méthodiquement son sol, on l’ensemence patiemment de capitaux et de soins, et l’heure approche où la mère patrie, largement remboursée de ses avances, trouvera chez ses rejetons d’outre-mer le soutien économique indispensable à ses vieux jours. « La colonisation est pour la France une question de vie ou de mort, disait il y a quelques années M. Leroy-Beanlieu ou elle deviendra une grande puissance africaine, ou elle ne sera plus dans un siècle ou deux qu’une puissance secondaire[1]. »

Elle est dès maintenant la grande puissance africaine de l’Occident (si elle n’a pas su demeurer celle de l’Orient), et elle est en même temps une puissance asiatique arrivant à maturité. Les temps sont accomplis, et l’on n’aura pas la désolation de s’apercevoir que tant de nobles existences, robustes et généreuses, ardentes et pleines de foi, se soient sacrifiées à la dérisoire utopie d’une politique d’aventures.

Certes les hommes n’ont pas fait défaut à la cause, et, fût-ce le seul bienfait imputable à son actif, il faudrait grandement savoir gré à la politique coloniale d’avoir assuré la nation française démoralisée que la source des énergies individuelles n’était point tarie en elle, car on peut tout espérer d’un pays pour lequel tombent des hommes tels que Courbet et Borgnis-Desbordes, Francis Garnier et Rivière, Flatters et Mizon, Crampel et Morès, Béhagle et le commandant Lamy, Blanchet et Henri d’Orléans,et l’inépuisable légion de leurs frères d’armes. Et, grâce au ciel, il en reste debout et chaque jour voit grossir les rangs de ceux qui offrent leur jeunesse pour collaborer à la pacification organisatrice des territoires ouverts à notre domination par les Brazza, les Dodds, les Brière de l’Isle, les Duchesne, les Monteil, les Binger et les Marchand.

À vrai dire, l’œuvre coloniale a trouvé partout, depuis quelques années, de précieux encouragemens, et les concours

  1. La Colonisation chez les peuples modernes.