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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/543

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heureusement simplifié leur costume, qui se compose d’une robe blanche, et leur bagage, qui tient dans un mouchoir au bout d’un bâton, ne pourraient-ils de même alléger leur bagage théologique ? Quelques dogmes fondamentaux, le péché originel, la rédemption, si bien appropriés à la condition des noirs, suffiraient à leur montrer, par des images saisissantes, la bestialité primitive et l’ascension vers la lumière. Y a-t-il des notions plus consolantes pour eux ?

Ces cervelles à peine dégrossies ne comprennent guère mieux les querelles entre chrétiens. Ouvrez les annuaires de nos missions d’Afrique : que trouvez-vous à chaque page ? La description des pays explorés ? Des aperçus profonds sur l’état moral des indigènes ? Non, des mots amers, des réflexions ironiques à l’adresse des missions protestantes. Dans l’Ouganda, on a été jusqu’aux coups. Pense-t-on que ce spectacle soit édifiant ? et qu’il y ait profit à transporter en Afrique les tristes débats qui, à Jérusalem, troublent les Lieux saints ?

Enfin, je souhaiterais que nos missions fussent plus largement ouvertes aux souffles du dehors. Il s’accomplit actuellement un travail immense de reconnaissance du globe. A chaque instant, de nouvelles sociétés surgissent : les publications, les œuvres abondent. Pourquoi les missionnaires restent-ils à l’écart et comme en défiance de ce grand mouvement ? Que ne communiquent-ils aux autres groupes leurs observations et leurs découvertes ? Que gagnent-ils à cet esprit cachottier qui se replie sur lui-même ? Ont-ils oublié que la terre tourne ? Et la méthode de l’isolement, pratiquée sans grand succès au Paraguay, il y a deux cents ans, convient-elle mieux à l’âge des chemins de fer et du télégraphe ?

En somme, le christianisme a conquis toute l’Amérique espagnole. Il s’est implanté sans trop de peine en Océanie. Sous la forme protestante, il a favorisé la diffusion rapide de la race européenne, mais il n’a su empêcher, ni dans l’Amérique du Nord, ni en Australie, la destruction totale des indigènes. Sous la forme catholique, il s’est montré plus humain, plus pitoyable aux races inférieures, moins avide d’avantages terrestres, mais aussi moins préoccupé de progrès matériel. Il s’est attaché au « salut » des âmes plutôt qu’à ces vastes desseins politiques qui ont fait, dans les temps passés, la grandeur de l’Eglise catholique. Il a reculé devant les transactions hardies qui pouvaient lui