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n’en faut d’ordinaire à un voyageur pour les visiter au passage[1]. » L’impression générale, en France et en Europe, était qu’on allait voir une nouvelle édition des campagnes récentes de Flandre et de Franche-Comté, où le Roi, par sa seule présence, faisait s’ouvrir les portes et tomber les murailles. La Hollande, au surplus, semblait s’abandonner, se résigner à sa mauvaise fortune. « Les États Généraux, écrit le chevalier Temple, étaient troublés et irrésolus sur ce qu’ils devaient faire. Les troupes étaient sans général et, ce qui est pis, sans courage ; la faction, la défiance et la sédition avaient pénétré fort avant dans l’État et dans l’armée… » Enfin, la division maladroite du pouvoir, partagé entre deux rivaux, — le Grand-Pensionnaire Jean de Witt, et le jeune prince Guillaume d’Orange, capitaine général, — paralysait les forces du pays, paraissait devoir entraîner sa ruine inévitable.

Aussi était-ce avec une entière quiétude que le public français suivait les conférences ouvertes, sur la demande des États Généraux, pour le rétablissement de la paix. Les conditions offertes à la France dépassaient, ainsi qu’on l’a dit, « les rêves les plus hardis de Henri IV, de Richelieu et de Mazarin[2]. » Cession de Maastricht, des places du Rhin, de la Flandre hollandaise, avec, pour prochaine conséquence, l’annexion presque inévitable des Pays-Bas espagnols : telles étaient les propositions qui furent, hélas ! jugées insuffisantes, et dont le rejet dédaigneux allait contraindre la Hollande à chercher son salut dans l’excès de son désespoir. Mais les résolutions extrêmes ne semblaient guère à craindre : « J’espère que lundi soir, écrit le 2 juillet Louvois à Le Tellier, nous saurons à quoi nous en tenir sur nos voisins ; et je suis bien trompé, ou ils viendront signer tout ce qu’on leur a demandé. » Le Roi, dans une pareille confiance, attendait les nouvelles dans son camp sous Utrecht. Ce que l’on y apprit bientôt ne fut point ce qu’on supposait ; force fut de prendre au sérieux ce que l’on avait jusque-là regardé comme une vaine menace.


« Quand on jette les yeux sur une carte de la Hollande, lit-on dans un ouvrage de géographie militaire[3], on a peine à

  1. Mémoires du chevalier Temple.
  2. C. Rousset, Histoire de Louvois.
  3. Géographie militaire, par le colonel Niox, t. III.