Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quel adoucissement dans les mœurs ! Il n’est plus question de s’exterminer sur place et déjà l’on consent à écouter les sages qui s’interposent, venant dire : « Ne croyez pas qu’il y ait, comme on l’a donné à entendre, une hostilité de race entre la France et ses colonies, et que la prospérité des unes s’acquière aux dépens des autres. » On est disposé à admettre qu’il vaut mieux apporter quelques amendemens aux principes que de laisser périr les colonies ; on reconnait même qu’il y a plutôt un malentendu qu’un antagonisme irréductible ; depuis quelque temps déjà, les coloniaux n’étaient plus tout à fait des ennemis, mais c’était encore des étrangers, — et voilà que l’on parle de rouvrir le sein de la famille à ces parens éloignés… Hélas ! ce sont des parens pauvres : on va donc les exploiter.

L’essentiel est de ne pas exiger d’eux plus qu’ils ne peuvent supporter ; c’est le modus vivendi qu’il s’agit d’étudier selon les formules du do ut des.

Il y a quelque espoir d’aboutir, du moment où l’on consent à mettre le pied sur le terrain des concessions mutuelles, et il ne faut désespérer de rien dans cet ordre d’idées, à une époque où le Congrès des Chambres de commerce britanniques, réuni à Londres, a écouté sans frémir un de ses membres les plus autorisés déclarer que le libre-échange n’est pas une religion, mais seulement une politique, ce qui signifie qu’il est avec lui plus d’accommodemens encore qu’avec le ciel.

Nos protectionnistes ne sont pas de moins bonne composition ; ils l’ont montré dans mainte circonstance, et, de tous côtés, on s’oriente plus ou moins vers un possibilisme économique, dont l’idéal plane au-dessus des deux doctrines rivales. C’est de cet esprit que s’est inspirée l’Union coloniale, puissante association qui groupe les élémens les plus actifs et les plus vigoureux autour d’un programme dont le libéralisme doctrinal tient le plus grand compte des réalités de fait ; venue au jour dans le rayonnement d’un libre-échangisme sans mélange, elle n’a pas tardé à voir l’éclat de ses théories se ternir au frottement des réalités contingentes, et la lumière qu’elle dégage s’en est trouvée adoucie au point de devenir supportable à l’abat-jour des protectionnistes accourus en grand nombre.

C’était le lieu de s’entendre ; par la plume d’un de ses collaborateurs, M. Depincé, la Quinzaine coloniale, bulletin de l’association, a consacré une étude lumineuse et documentée au