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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/56

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produits étrangers, tissus, instrumens, conserves, etc., ne pouvaient avoir accès dans nos colonies sans acquitter les mêmes droits que pour pénétrer en France ; 2° les produits des colonies françaises devaient acquitter, pour entrer en France, la moitié des droits qui sont imposés aux produits de l’étranger. Le parti protectionniste avait même fait la plus vive opposition à cette dernière mesure considérée par lui comme une insigne faveur ; il prétendait soumettre les produits des colonies aux mêmes charges que ceux de nos concurrens économiques.

En peu de mots, cela consistait à traiter les colons français comme des frères, quand il s’agissait de leur placer notre machandise, et comme des ennemis, quand ils nous proposaient la leur. On n’alla point jusque-là, et, depuis 1892, nos concitoyens de l’Indo-Chine, de Madagascar, etc., s’ils ont le périlleux honneur de subir toutes les charges douanières de la mère patrie, quand il s’agit de s’approvisionner, ont obtenu l’avantage d’être traités en retour comme des demi-Français. Naïfs enfans prodigues, qui s’imaginaient qu’on allait tuer le veau gras à l’arrivée de leurs envois !

Cette paix boiteuse de 1892 n’a satisfait personne, et l’un et l’autre parti se proposaient depuis longtemps de la rompre ; la guerre vient d’être déclarée des deux côtés à la fois et les hostilités ont été engagées presque simultanément par un projet de loi de M. Méline et par une proposition de M. Gerville-Réache, renforcée d’un amendement de M. Le Myre de Vilers à la loi de finances, MM. Le Myre de Vilers et Gerville-Réache demandent que les denrées coloniales soient accueillies en franchise ; M. Méline y consentirait à la rigueur, mais il exige, en tout état de cause, que les colonies soient mises dans l’impossibilité de fabriquer les produits industriels ou agricoles que la métropole prétend leur fournir.

Tel est le principe du débat. Il est fondamental et l’on pensait voir à cette occasion se déchaîner les fureurs des économistes, plus ardentes encore que celles des grammairiens. Eh bien ! tout le monde a été frappé de la courtoisie, de l’esprit de conciliation, souvent même de la bonhomie spirituelle, dont se sont presque constamment inspirés les champions des deux doctrines dans les rencontres successives du tournoi brillant et passionnant ouvert par l’Union coloniale en l’honneur du régime économique. Voilà un signe des temps.