Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/593

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un homme très ferme, écrira quelques jours plus tard Luxembourg à Louvois, et qui, quand il faut agir, répare bien ce qu’on trouve d’ennuyeux quand il parle[1]. »

Les assiégés, de leur côté, ne demeuraient pas inactifs ; et le comte de la Marck, gouverneur de Woerden, secondait puissamment ceux qui marchaient à son secours. Dès que la fusillade se rapprocha des murs, il fit sortir « 400 hommes avec six capitaines » et les lança vigoureusement sur le quartier du comte de Horn. Etant un contre dix, ils ne purent forcer le « logement, » et, après un rude engagement — où des six officiers cinq furent tués sur la place — ils durent rentrer dans l’enceinte de la ville. Cette diversion servit toutefois à détourner le comte de Horn d’assister son collègue, et le retint dans son quartier. Dans le même temps, les quelques bataillons laissés à Harmelen assaillaient par le front les retranchemens de Zuylestein, que Luxembourg attaquait par le flanc. Et l’ennemi, pressé de tous les côtés à la fois, commençait à perdre la tête.

Au débouché des digues qui aboutissaient à Woerden, et non loin des remparts, s’élevaient deux forts de terre d’assez belle apparence, disposés de façon « à se soutenir l’un l’autre. » C’est là que Zuylestein, voyant ses retranchemens forcés, massa le reste de ses hommes, pour opposer une suprême résistance. Il les fit « fermer de toutes parts, » de manière que ses gens, privés d’issue pour fuir, fussent « contraints de les bien défendre. » Il parut, du côté français, quelque embarras sur l’opportunité de tenter un nouvel assaut. Les officiers des divers régimens, mêlés et confondus ensemble, dans le désordre inévitable qui suit un long combat de nuit, se consultaient entre eux et n’osaient ordonner l’attaque. Harassés de leurs longs efforts, les soldats montraient leurs mousquets dont la plupart étaient hors de service, et demandaient un moment de répit. Cette fois encore, pour les ramener au feu, il fallut l’ascendant et l’exemple de Luxembourg, la promesse qu’il leur fît d’une prompte et décisive victoire. Il divisa ses troupes en deux, fit assaillir l’un et l’autre ouvrage en même temps, sans canon, sans mousquets, « sans autre arme que les épées. » Cette audace réussit. En quelques minutes de combat, les forts furent emportés, leurs défenseurs mis en déroute ; 400 y furent tués ; d’autres noyés dans le canal ; 500 faits prisonniers, parmi

  1. Lettre du 18 octobre 1672. — Le comte de Meilly mourut quelques semaines plus tard, à Utrecht, des suites de sa blessure.