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lesquels il n’y avait qu’à plonger la main sans rien donner en retour. De tels excès se payent inévitablement, et c’est une faute irréparable pour un État souverain d’acculer ses dépendances à la nécessité vitale de reconquérir violemment la disposition de leur bien. L’Angleterre en a fait péniblement l’expérience avec les États-Unis. La Hollande, partant d’un principe analogue à celui du régime espagnol, a eu la sagesse d’en régler l’application d’une façon assez discrète pour ne pas compromettre la durée de l’opération. Elle plume la poule aux œufs d’or sans trop la faire crier, et c’est fort heureux pour elle, son armée coloniale n’ayant pas réussi à réprimer, en dix ans, la sédition du sultan d’Atchin, comme le constate, dans une excellente étude sur les colonies étrangères, M. Camille Guy, chef du service géographique au ministère des Colonies. Après bien des tâtonnemens, qui laissèrent longtemps l’Inde Néerlandaise dans une condition assez précaire, elle eut la bonne fortune de rencontrer « un homme de génie, Van den Bosch, et l’intelligence de lui confier l’exécution, à ses risques et périls, de l’admirable plan de campagne qui ne devait pas tarder à enrichir la métropole et la colonie[1]. » Sa méthode consistait essentiellement dans un monopole d’achat exclusif, tempéré par une minime participation bénéficiaire offerte aux colons, d’ailleurs largement encouragés et soutenus par les mesures les plus efficacement favorables au développement des cultures tropicales. « En introduisant dans l’Insulinde des cultures riches, en intéressant les colons aux plantations de café, d’épices, de canne à sucre et de tabac, Van den Bosch a permis à son pays d’encaisser en un quart de siècle, de 1830 à 1855, plus d’un milliard de bénéfices nets. La culture du café seul a produit 800 millions. Grâce à ce système raisonné de cultures, la Hollande a pu lutter économiquement avec les plus grandes nations de l’univers ; le pays fut divisé en un certain nombre de circonscriptions, dont chacune fut placée sous la surveillance d’un contrôleur, qui introduisait dans son district les cultures de son choix, ordonnait les travaux, encourageait et punissait les travailleurs. Au moment de la récolte, il achetait tous les produits pour le compte du gouvernement, déduction faite de deux cinquièmes pour l’impôt et d’une somme fixe pour le transport. »

  1. Camille Guy, Colonies étrangères et Colonies françaises. (Extrait du Bulletin de la Société nationale d’Economie politique.