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qu’elle a commencé d’attirer en Allemagne. Il importe de réparer cet injuste oubli, Belli devient pour ses compatriotes une mine inépuisable de documens de tout genre, une occasion toujours présente de dissertations morales et sociales : sans m’arrêter au détail et aux singularités, je voudrais présenter au lecteur français ce grand poète populaire, et lui permettre d’embrasser d’un coup d’œil l’intérêt multiple et vaste de son œuvre.


I

Belli naquit à Rome en 1791. Sa mère était la fille d’un banquier ; son père, un employé d’administration dont la fortune, d’abord modeste, s’accrut plus tard. L’enfant ne fut pas heureux. Dès ses premières années, il était d’humeur mélancolique, il aimait le silence et la solitude. Les terribles secousses du siècle Unissant, les tourmentes politiques qui bouleversèrent alors la vie paisible et bourgeoise des États pontificaux, les épreuves domestiques qui en furent pour Belli la conséquence ou l’accompagnement, ne contribuèrent pas peu à développer particulièrement en lui, presque dès le premier âge, cette tristesse rêveuse, ce désenchantement inquiet, ce désespoir sans motif, celle amertume et cette ironie qui signalèrent, en Italie non moins qu’en France, le caractère de la génération à laquelle il appartenait. En 1798, les Français entrèrent dans Rome. Les parens de Belli eurent beaucoup à souffrir de cette occupation, à cause de leur dévouement au Pape et au roi de Naples ; sa mère dut chercher un refuge dans cette ville. Les troubles révolutionnaires marquèrent ainsi pour jamais l’esprit de Giuseppe d’un souvenir d’effroi. Quand, Naples occupée à son tour par les Français et l’amnistie promulguée, la famille se réunit de nouveau à Rome, il semblait qu’elle dût jouir en paix du bien-être que des spéculations heureuses lui avaient assuré. Mais la maison était envahie de parasites attirés par la générosité aveugle du père de Belli, et cet homme, si prompt aux amitiés ruineuses, prodigue et faible hors de chez lui, était pour ceux qui l’entouraient tyran nique et brutal. Il mourut en 1803, laissant sa femme ; presque folle de douleur, ruinée, abandonnée de tous, avec trois enfans : Giuseppe, un frère né un an après lui, et une sœur de dix ans plus jeune.

Giuseppe entra à treize ans au Collège Romain, alors dirigé