Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/681

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son histoire. On le plaint, on l’estime. Une jeune femme, Maria Conti, veuve du comte Giulio Pietri, désire le connaître. Ce poète triste et plaintif qui, en société, réjouit tout le monde de ses bons mots, de ses anecdotes, de ses imitations burlesques, lui parait un être fort original. Elle est séduite par l’entrain de sa conversation, le brillant de son esprit, et ses qualités plus sérieuses. Elle s’intéresse à lui, le prend en amitié, et l’amitié devient de l’amour. Belli, dont le cœur n’est pas pris et qui ne veut pas vivre aux dépens de sa femme, d’abord hésite à se laisser épouser. Il cède, et le voilà riche.

C’est en 1816. Son existence est transformée, allégée, élargie. L’emploi que sa femme lui a fait accorder pour apaiser ses scrupules ne l’occupe guère. Il lit beaucoup ; il traduit en vers la Henriade ; il écrit en 1820 et 1821 deux poèmes pleins de foi sur la Passion. Il voyage par l’Italie, seul, pour guérir son hypocondrie qui ne l’a pas quitté, et souvent aussi pour rendre visite à un château des Marches où vit, entre père et mère, une jeune, jolie et spirituelle marquise qui lui a inspiré une passion fort tendre, un amour délicat et dévoué, qui n’est pas la moindre singularité de cette âme complexe et mobile. Au cours de ces voyages, il observe, il s’enquiert, il note. En 1824, un fils lui naît, Cibo. Il est heureux, rempli d’enthousiasme et de projets pour l’éducation de cet enfant. Il lit plus que jamais, les Promessi Sposi, les nouvelles de Boccace, Walter Scott, les romans de Voltaire, les premières poésies de Hugo. En 1826, il est mis à la retraite avec traitement entier, et son esprit, que la moindre dépendance gênait, s’épanouit à l’aise. En 1827, au cours d’un séjour à Milan, il achète les poésies de Porta ; il les lit avec ferveur : c’en est fait, il a reconnu sa voie.

Sérieusement instruit de la vie et de l’homme par les vicissitudes de son expérience personnelle, très apte au travail intellectuel, appliqué de fait à l’observation minutieuse, il avait amassé les lectures les plus diverses, collectionné les impressions, enrichi son âme et ses cahiers de notes, sans que sa poésie, qui se traînait au niveau des productions courantes et de la mode vulgaire, en profitât. Il comprend, en lisant Porta, quel champ lui ouvre l’étude des mœurs populaires, comme le dialecte servira ses facultés d’imitation comique, qui jusque-là, si elles l’ont rendu célèbre dans quelques salons de Rome, n’ont pas trouvé place dans ses œuvres littéraires. En 1828, il se retire de