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déclaration de candidature a pour unique objet de s’assurer qu’un même candidat ne se présente pas dans plusieurs circonscriptions à la fois : sa portée ne va pas plus loin. La Chambre a fini par le sentir : cependant elle a solennellement déclaré inéligibles les condamnés de la Haute-Cour et les membres des familles qui ont régné sur la France. Nous avions cru qu’ils l’étaient déjà ; mais M. Allemane, qui a proposé un amendement dans ce sens, estime que deux précautions valent mieux qu’une. Pour les membres des familles autrefois souveraines, la précaution est assurément toute platonique : aucun d’eux ne paraît avoir des projets électoraux. Quant aux condamnés de la Haute-Cour, que feront-ils ? Nous l’ignorons ; mais, si l’un d’eux voulait se présenter, croit-on sérieusement que l’obligation de faire une déclaration de candidature et le refus de la recevoir que lui opposerait un préfet, pourraient l’arrêter ? Sans doute le refus du préfet serait efficace, si le candidat n’avait pas derrière lui une forte poussée de l’opinion ; mais, dans le cas contraire, il ne pèserait pas beaucoup plus qu’un fétu de paille dans un tourbillon. Aucune puissance humaine n’est-capable, avec le scrutin secret, d’empêcher l’électeur de voter pour qui lui plaît. Et qui sera ensuite juge de la validité du vote ? La Chambre seule. Les voix données à un inéligible ne seront pas comptées, dit-on, et cela s’est vu, en effet, au temps du boulangisme ; mais elles n’ont pas été comptées, à cette époque, parce que la Chambre a voulu qu’il en fût ainsi ; il aurait suffi qu’elle voulût le contraire pour que la solution fût différente. Toutes les garanties prises par une Chambre expirante contre une Chambre future ont quelque chose de puéril. La commission s’en est rendu compte. La loi s’était tellement déformée à travers la discussion qu’elle en a eu honte, et en a demandé le renvoi. Nous perdons notre temps, disait mélancoliquement M. Leygues. Une fois de plus, une loi, après avoir rempli de sa discussion toute une séance, a disparu comme dans une trappe : on n’en entendra plus parler. Et le lendemain il en a été de même pour une loi sur la corruption électorale. Elle a paru et disparu en quelques heures.

Au moment où nous écrivons, la Chambre continue de discuter des lois quelconques, et ne réussit à en voter aucune. Le Sénat discute le budget du matin au soir : il vient enfin d’en finir. M. Waldeck-Rousseau lui-même semble avoir perdu de son prestige, et la majorité se montre réfractaire à sa voix au Luxembourg comme au Palais-Bourbon. L’anarchie morale est à son comble. On ne sait pas si les élections auront lieu le 27 avril ou le 4 mai. Sur un seul point