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l’irlandais en tant que langue nationale, l’extension de son usage en tant que langue parlée, l’étude de la vieille littérature irlandaise et la culture des lettres irlandaises modernes. » Mais gardons-nous de la juger sur son titre. Elle n’a rien d’une société savante ; elle laisse à l’Académie royale d’Irlande et à la National Literary Society de Dublin tout ce qui est littérature pure et pure philologie ; elle se réserve à elle-même l’action, l’exemple, l’application des doctrines de la renaissance nationale sur la base du langage national, doctrines qu’elle s’efforce de faire pénétrer dans le peuple par une propagande active et enthousiaste. Ce qu’elle dit aux Irlandais, dans ses brochures, ses journaux, ses conférences, ce que disent à la nation par son organe les esprits directeurs du mouvement, voici à peu près comment nous l’a résumé récemment, à Dublin, l’un de nos amis, avec une force de vue et d’expression que l’on s’excuse de ne rendre ici que de pâle façon :

« L’Irlande est à une heure critique de son histoire. Elle glisse doucement sur cette pente facile et fatale de l’anglicisation au bas de laquelle il y a l’anéantissement national et où est écrit : Finis Biberniæ. Honte à nos pères, honte à nous-mêmes, fils indignes d’Erin, qui avons renié notre passé et accepté de gaité de cœur notre assimilation par l’ennemi héréditaire, par le Sassenach ! Encore une génération ou deux, et c’en sera fait de nous, si nous ne savons nous ressaisir, redevenir nous-mêmes, c’est-à-dire des nationaux et non plus des Westbritons, et nous refaire une Erin nationale, une Irlande irlandaise.

« Trop longtemps nous avons confondu ces deux choses, la politique et la nationalité. La nation ne sera sauvée ni par les plus habiles manœuvres parlementaires, ni par les plus beaux discours de la « brigade irlandaise » à Westminster, car ce ne sont pas les politiciens qui font la nationalité, — si tant est même qu’ils ne contribuent pas parfois à la défaire, — mais ce sont nos attaches avec le passé, c’est la survivance en nous de nos ancêtres, c’est cette communauté d’idées, de sentimens, de langue, qui lie chaque génération à la génération précédente ; c’est tout ce que nous sommes en voie de perdre depuis un demi-siècle et tout ce qu’il nous faut maintenant reconquérir. Que nous obtenions le home rule dans dix ans ou dans vingt, la chose n’est pas vitale pour la nation : le home rule peut attendre, mais non pas la cause de notre nationalité, ni celle de notre langue, car, le jour où celles-ci seraient perdues, tout espoir de