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Chez les Grecs, règles simples et absolues à formuler : masques d’Eschyle, artifices auxiliaires, et hommes seuls sur la scène. Chez les Romains antérieurs aux Antonins, coutumes variables et complexes : ainsi les interprètes de Plaute et de Térence sont des hommes barbouillés d’une couche épaisse de craie, plâtre ou farine, à la façon des pierrots modernes leurs successeurs, et emperruqués comme nos clowns ; on use aussi du masque collant qu’Arlequin a perpétué jusqu’à nos jours ; on joue encore à visage complètement découvert, et les femmes, comme en témoignent Horace et Cicéron, montent sur la scène, mais sans doute pour ne remplir que des rôles muets. L’origine, comme la nature même des spectacles, variait beaucoup : d’où une certaine diversité de conventions. Les Italiens d’autrefois, comme ceux d’aujourd’hui, étaient d’excellens grimaciers, des mimes de premier ordre, et les Romains ne renoncèrent pas volontiers à jouir de l’agrément des jeux de physionomie, des gestes un peu vifs. Mais il semble que les usages helléniques, comme la langue elle-même et la littérature des Grecs, envahissent peu à peu le monde latin. Le vieux masque, dont l’expression s’exagère de plus en plus avec la décadence de l’art, s’impose progressivement aux Romains qui, peu enthousiastes au début, finissent par prendre leur parti de ces figures aux traits forcés et immobiles. Deux cents ans environ après 1ère chrétienne, aucun visage d’histrion ne s’exhibe à découvert dans une représentation tragique, comique ou chorégraphique, à ce que Lucien affirme, et aucune femme ne monte plus sur le théâtre. Les rudes invectives de Tertullien contre les spectacles païens nous confirment cette dernière circonstance par l’absence de toute récrimination à l’égard des comédiennes.

La mode du masque au théâtre persiste jusqu’à l’effacement du dernier vestige du paganisme et des goûts littéraires classiques. Les Pères de l’Église du Ve siècle condamnent encore un spectacle devenu trop raffiné pour leurs contemporains ; mais ils luttent avec plus d’ardeur à l’égard d’un nouveau genre de divertissement qu’on pourrait peut-être assimiler, non certes à nos représentations modernes de cirque, mais à ce qu’elles deviendraient, jouées par la plus vile racaille des deux sexes, en présence d’un public très mal choisi, duquel les gens honorables s’excluraient d’eux-mêmes. Souvenons-nous que la future impératrice Théodora, élevée à l’amphithéâtre, avait débuté comme