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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/926

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Victor Hugo[1], rédigés par les élèves de l’École normale supérieure, afin que, dans le culte rendu à Victor Hugo, la littérature eût, elle aussi, sa place, et qu’un hommage lui vint de la jeunesse, d’une jeunesse composée de jeunes gens. Enfin, M. Léon Lafoscade a consacré au Théâtre d’Alfred de Musset[2] une thèse d’où se dégage à tout le moins cette conclusion, qu’étudiées avec application et commentées avec méthode, les comédies de Musset peuvent en venir à donner l’idée de quelque chose de figé et de morne. De Hugo à Vigny et de Dumas à Musset, voyons donc comment les romantiques ont marqué leur passage dans notre littérature dramatique et comment un même principe, en traversant le drame, l’a stérilisé, pour aller s’épanouir dans des œuvres qui n’ont de commun que le nom avec celles de la scène.

Cette destinée si bruyante du drame romantique a été étrangement courte : c’est ce qui frappe d’abord. Elle n’a pas rempli quinze années. Le public était déjà dégoûté de ce genre, sans peut-être avoir jamais eu pour lui un goût très prononcé ; les écrivains qui l’avaient créé s’en désintéressaient. Victor Hugo a désormais dit un adieu définitif au théâtre et, durant quarante-deux années de production ininterrompue, il ne se souciera pas d’y revenir ; Alfred de Vigny est monté dans sa tour d’ivoire ; le seul Dumas continue d’écrire pour le théâtre, parce que, seul de son groupe, il avait « le don.  » C’est la preuve que les auteurs eux-mêmes n’ont eu guère de foi dans la vitalité de leur œuvre au théâtre. Ou, pour mieux dire, Os se sont aperçus qu’ils y avaient totalement échoué : ils ont dû constater que la campagne menée avec tant de violence avait tourné en déroute : splendeur des préfaces, fracas des promesses, tapage des réclames, choc des batailles, tout se résolvait dans le néant.

Leur programme n’avait jamais été fort net ; néanmoins on s’était entendu sur quelques points essentiels. Les romantiques se proposaient de doter le théâtre d’un genre nouveau, le drame historique, qui n’aurait été que le roman de Walter Scott découpé en actes et en scènes. Il aurait différé de la tragédie par deux traits principaux : d’abord, au lieu d’exprimer la vérité universelle, il aurait exprimé une vérité relative, celle de sentimens en rapport avec une époque déterminée ; ensuite, à l’action resserrée dans un cadre étroit il aurait substitué une action plus libre, se répandant en scènes variées par la

  1. Victor Hugo, leçons faites à l’École normale supérieure par les élèves de 2e année, sous la direction de M. Ferdinand Brunetière, 2 vol. in-16 ; Hachette.
  2. Le Théâtre d’Alfred de Musset, par M. Léon Lafoscade, 1 vol. in-16 ; Hachette.