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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril.


La France ressemble en ce moment à un immense appareil chimique où quelque chose se prépare. Le contenu bout avec intensité et on entend un ronflement puissant, mais on ne sait pas ce qui sortira de l’opération. Chaque parti est plein de confiance et annonce sa victoire prochaine. Tous vont à la bataille avec un entrain et une résolution qu’on n’avait pas vus depuis longtemps. Le ministère actuel, qu’il l’ait fait exprès ou non, a violemment excité les passions dans les sens les plus divers. Il a des partisans très ardens et des adversaires qui ne le sont pas moins. Avec lui sont tous les révolutionnaires. On ne rencontre pas en France un radical, un socialiste, un collectiviste, un anarchiste qui ne travaille à son succès électoral. Un tel fait est des plus significatifs.

Nous ne disons pas, bien entendu, qu’il n’y ait pas d’autres élémens dans l’armée ministérielle ; nous nous contentons de constater que tous les hommes de désordre en font partie. Il y a aussi les jacobins, hommes d’ordre, ceux-là, ou du moins d’un certain ordre, au maintien duquel ils sacrifient volontiers toutes les libertés. On les a vus quelquefois, dans les révolutions, partir du désordre, mais marcher tout droit à la dictature. Parmi les libertés à détruire, ils ont fait choix, pour commencer, de la liberté de l’enseignement, les uns parce qu’ils y sont sincèrement opposés, les autres parce qu’ils voient dans la campagne à faire une occasion et un moyen de grouper toutes les forces de la libre pensée. Ceux-ci s’arrêtent à l’anticléricalisme, ceux-là s’en prennent à l’esprit religieux lui-même. La question de la liberté de l’enseignement a paru éminemment propre à les rallier tous dans une action commune. Enfin, il y a dans la coalition ministérielle,