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se résoudre à quitter la partie sans risquer le combat. « Si du Pas avait tenu un jour de plus, l’ennemi levait le siège ! » écrit Luxembourg à Condé avec un juste désespoir[1].

On ne saurait imaginer la fureur qu’un tel événement provoquait à la cour de France, fureur d’autant plus violente qu’elle se doublait d’une déception. « Par les nouvelles que nous avions d’Amsterdam, il paraissait que le sieur du Pas faisait son devoir ; et l’on croyait si fermement qu’il le continuerait, que l’on commençait à songer à ce que l’on pourrait faire pour lui </ref> Louvois à Luxembourg, 20 septembre. — Archives de Dijon, F. Thiard. </ref>. » C’est Louvois qui s’exprime ainsi ; toute la suite de sa lettre n’est qu’un long chapelet d’invectives contre « la trahison, l’infamie, la lâcheté du gouverneur de la ville de Naerden. » Il fut même question un instant, dans le Conseil du Roi, de procéder à une exécution sommaire : « Si vous aviez mandé à Sa Majesté, écrit encore Louvois à Luxembourg, le détail de ce qui s’est passé dans la place pendant le siège, Elle aurait pu se porter à prononcer Elle-même, pour faire un exemple du sieur du Pas, qui serve de leçon aux autres gouverneurs et puisse apprendre aux étrangers que, si des Français font des lâchetés, on ne les tolère point parmi eux[2]. »

On se contenta cependant de déférer le cas à un Conseil de guerre, lequel « se souviendra sans doute qu’il est dit dans les ordonnances qu’un gouverneur ou commandant de place ne la doit rendre qu’après avoir soutenu trois assauts. » Ainsi, « à moins que le sieur du Pas ne prouve que la garnison s’est révoltée contre lui et qu’elle a voulu se rendre, et que, malgré cela, il n’a point signé la capitulation[3], il ne peut y avoir plus d’une opinion parmi les juges… Souvenez-vous, ajoute le ministre, que le Roi désire que tous ceux qui ont failli soient promptement jugés et exécutés, sans que l’on puisse surseoir le jugement ni l’exécution de ceux qui se trouvent coupables. » Le Roi, de son côté, écrivit de sa main deux lettres véhémentes, l’une adressée à Luxembourg et l’autre à l’intendant Robert, pour stimuler leur zèle à « faire punir une si mauvaise action, » et désigna lui-même les officiers chargés d’instruire l’affaire. Condé

  1. Lettre du 26 septembre. Archives de Chantilly. — Lettre de Stoppa à Condé du 15 septembre. Ibid.
  2. Ibid.
  3. C’était le texte du Code militaire.