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à son prochain retour en France ; et Louvois, le félicitant sur « sa bonne tête » et l’heureux succès de sa marche, terminait ainsi son épître[1] : « J’espère vous envoyer mardi la permission de venir ici (à Saint-Germain) rendre compte de vos actions. Personne ne vous y verra avec plus de plaisir que moi, qui suis tout à vous. » C’était aller vite en besogne, et Guillaume prit le soin de dissiper ces illusions.

Le stathouder n’était pas homme à délaisser si facilement sa proie. Il s’était proposé, comme il disait lui-même, « la destruction du duc de Luxembourg ; » les troupes de l’Empereur lui manquant, il résolut de s’en passer et de faire seul, avec le renfort espagnol, une tentative « en laquelle il était persuadé de réussir[2]. » Il dépêcha vers Monterey le comte de Waldeck, l’un de ses généraux, pour proposer l’affaire et combiner le coup. Monterey se laissa convaincre ; le 17 décembre, en « un magnifique équipage, » accompagné de toute la noblesse du pays, il quittait pompeusement Bruxelles pour se porter avec ses troupes au rendez-vous convenu avec le prince d’Orange. La jonction des armées se fit à Tirlemont, sur la rive gauche de la Meuse, pointe extrême d’un triangle dont Liège et Namur font la base. Le poste était des mieux choisis. Dans un temps où les routes étaient rares et mauvaises, le chemin naturel de Maëstricht en France était la « grande chaussée » qui suivait le cours de la Meuse, passant par Liège, Huy et Namur pour aboutir à Charleroi. Tel était bien l’itinéraire que se proposait Luxembourg pour rapatrier son armée, par une voie, disait-il, « aussi sûre que commode. » En s’embusquant à Tirlemont, Guillaume, de cette façon, s’assurait un double avantage : il menaçait la grande chaussée, prenait en flanc les troupes qui s’y seraient aventurées ; de plus, il les coupait de la Flandre et du Hainaut, où le comte de Schomberg[3], avec un corps de six mille cavaliers, était posté, suivant l’ordre du Roi, pour donner au besoin la main à Luxembourg[4].

Suivre son premier plan et forcer les obstacles, Luxembourg

  1. Lettre du 16 décembre 1673. — Archives de la Guerre, t. 317.
  2. Gazette de 1674.
  3. Armand-Frédéric, comte de Schomberg, 1619-1690. Maréchal de France en 1675, il quitta le service du Roi lors de la révocation de l’Édit de Nantes, et fut tué à la bataille de la Boyne, en combattant contre Jacques II.
  4. Gazette de 1674. — Mémoires du marquis de Feuquières. — Lettre de Luxembourg à Louvois du 16 décembre 1673. — Archives de la Guerre, t. 331.