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plantes d’avec les forces générales de l’univers ; ils confondent tout : âme, vie, nature inanimée.

Ces problèmes appartiennent par beaucoup de côtés à la spéculation métaphysique. Ils ont été discutés et résolus par les philosophes de l’antiquité en des sens divers pour des raisons et par des argumens que nous n’avons pas à examiner ici, et qui, d’ailleurs, n’ont point changé. Mais, par un de leurs côtés, ils appartiennent à la science et sont justiciables de ses progrès. Cuvier et Bichat, par exemple, croyaient que les forces en action chez les êtres vivans étaient non seulement différentes des forces physico-chimiques, mais en opposition, en lutte, avec celles-ci. Aujourd’hui, ces deux illustres savans professeraient certainement une opinion contraire.

Les doctrines précédentes relèvent donc, jusqu’à un certain point, de l’expérience et de l’observation. Elles en sont justiciables, dans la mesure où celles-ci peuvent nous renseigner sur le degré de différence ou d’analogie que présentent entre eux les faits psychiques, vitaux et physico-chimiques. Or les investigations scientifiques ont pu nous éclairer à cet égard. Il n’est pas douteux que les analogies et les ressemblances de ces trois ordres de manifestations ont apparu de plus en plus nombreuses et frappantes avec le progrès de nos connaissances. Aussi, dans les sciences biologiques, l’animisme ne compte-t-il aujourd’hui qu’un petit nombre de partisans ; le vitalisme, sous ses différentes formes, en compte davantage : la grande majorité est attachée à la doctrine physico-chimique.


L’animisme et le vitalisme séparent l’un et l’autre de la matière le principe recteur qui la dirige : ce sont, au fond, des doctrines mythologiques, quelque chose comme une forme du paganisme ancien. La fable de Prométhée ou celle de Pygmalion en contiennent tout l’essentiel. Un principe immatériel, divin, dérobé à Jupiter par le Titan ou obtenu de la complaisance de Vénus par le sculpteur cypriote, descend de l’Olympe et vient animer la forme, encore inerte, modelée dans le marbre ou dans l’argile. En un mot, il y a une statue humaine : un souffle s’y surajoute, s’y insinue, feu du ciel, force vitale, étincelle divine, âme ; et la voici vivante. Mais ce souffle aussi peut l’abandonner ; un accident survient ; un rien, un caillot dans une veine, une piqûre dans le cœur ; un grain de sable dans le rein, un grain